Réalisée et écrite par une équipe composée de Cary Fukunaga, Hossein Amini, Jakob Verbruggen et bien d’autres, The Alienist est diffusée depuis le 22 janvier 2018 sur la chaîne américaine TNT. Adaptée du plus célèbre roman de Caleb Carr publié en 1994 la série limitée de dix épisodes s’est achevée le 27 mars dernier outre-Atlantique et arrive chez nous le 2 avril sur Polar +, la chaîne spécial frissons du groupe Canal.
Au XIXe siècle, le corps mutilé d’un jeune garçon prostitué est retrouvé à New-York. Le nouveau chef de la police et pas encore président, Théodore Roosevelt doit composer avec une équipe restée fidèle à son prédécesseur. Face à la multiplication des cadavres et à l’inaction de ses subordonnés, il fait appel à Laszlo Kreizler, spécialiste des maladies mentales alors appelé « aliéniste », et à John Moore, illustrateur. Ils sont accompagnés dans leur tâche par Sara Howard, secrétaire de Roosevelt dont l’ambition est d’être la première femme policière et les jumeaux Isaacson, inspecteurs. Les obstacles à leur enquête sont nombreux dans une société qui ne prend pas au sérieux les nouvelles techniques du Dr Kreizler et voit plutôt d’un bon œil ce « nettoyage » des rues.
Histoire de bien faire comprendre au spectateur qu’à l’époque, la compréhension des maladies mentales et les méthodes de profilage n’en étaient qu’à leurs balbutiements, bien loin des Experts. Chaque épisode est introduit par la phrase suivante : « Au XIXe siècle, les personnes souffrant de maladies mentales étaient considérés comme privées de leur vraie nature. Les experts qui les étudiaient étaient alors connus sous le nom d’aliénistes. » Le générique, qui déconstruit la ville de New-York en superposition avec les portraits des personnages sur un fond de musique angoissante, nous met dans l’ambiance.
Rentrant dans le vif du sujet, la série ne nous épargne rien : de la découverte à l’autopsie du cadavre, mieux vaut éviter de la déguster en plateau-repas. La présence de la musique est parfois trop forte et caricaturale et la mise en place de l’intrigue et des personnages prennent leur temps et créent un faux rythme qui peut ennuyer, voire décourager, à la longue. Mais une fois lancée, l’enquête est stressante, on sursaute plus d’une fois et on attend le prochain épisode avec impatience. Alors qu’on pense enfin avoir une idée de l’identité du meurtrier et que l’étau commence à se resserrer, la série surprend en nous lançant sur une nouvelle piste.
Au-delà de la recherche du meurtrier, l’histoire est tout autant intéressante et prenante dans le développement de la psychologie des personnages. Daniel Brül interprète avec maestria, comme toujours, le Docteur Kreizler : un homme obsédé par les déviances et leurs motivations, dont le bras droit est atrophié pour une raison inconnue. Alcoolique et coureur de jupons, John Moore, joué par Luke Evans, paraît bien désinvolte mais se prend rapidement d’affection pour un jeune gamin des rues, menacé par le meurtrier. Dakota Fanning est surprenante dans le rôle de Sara Howard, une femme déterminée et en avance sur son temps. Il y aussi Mary (Q’orianka Kilcher), qui après avoir brûlé son mari est devenue une parfaite maîtresse de maison, aussi douce qu’un agneau et muette comme une tombe.
On retiendra le travail de reconstitution à travers les des décors et les costumes, qui retranscrivent le New-York de la fin des années 1800 et nous plongent dans ses rues et immeubles malfamés. Le jeu d’acteurs est convaincant. Malgré un démarrage laborieux, la série vaut le coup si on s’accroche, elle remplit son job : elle nous intrigue jusqu’au bout et résout les questions en suspens, même si sa morale de fin laisse un goût d’inachevé. N’ayant pas lu l’œuvre originale, l’adaptation sérielle a le mérite de m’avoir donné envie de m’y mettre.
Justine Vaillant