Maintenant il y a du verglas sur la route. C’est peut-être la raison pour laquelle Arno conduit lentement en quittant le village où se trouve l’hôtel. Mike, lui, s’est remis à biberonner la bouteille de gin. Je sais que d’ici cinq ou dix minutes il va être K.O. : quand ça lui arrive, il s’éteint comme une chandelle. Les bas-côtés sont noirs comme le diable et il n’y a presque pas de voitures qui passent. Je ne sais vraiment pas où on est. La neige n’a pas été enlevée et j’entends le bruit que ça fait sous les pneus, et dans les virages je vois le jaune des bordures quand les phares les éclairent. Nous n’avons pas fait dix kilomètres quand MacNally s’effondre. J’entends le bruit de la bouteille qui est tombée, je vois Arno se pencher pour la ramasser, remettre le bouchon dessus, sans quitter la route des yeux.
Skinner est un roman à plusieurs voix, comme Tandis que j’agonise de Faulkner ou Hallali de Jim Thompson. Les divers protagonistes donnent leurs points de vue sur Arnold Skinner et ce qui se passe dans ce coin d’Écosse entre ville, champs et meurtres. L’ambiance est sordide et glauque, on pense au Cycle de Yorkshire de David Peace. Skinner dépeint un assassin qui ne possède pas de morale, avec une fatalité effrayante.
L’été arrive et ce livre pourra le rendre plus froid, pas vous rafraîchir, juste vous refroidir.
Emeric Cloche
Skinner, Hugh C. Rae, 1965, traduit de l’anglais par Michel Chrestien, est paru aux éditions Gallimard en 1967 sous le titre Le Vampire écossais. Réédition Rivages/Noir, 1991 puis 2001, 310 pages, 8,40 €