Bienvenue en Albanie. Nous sommes en 1924 mais au fil de l’Histoire, certaines considérations semblent pouvoir s’appliquer au monde d’aujourd’hui, et aux agitations politiques auxquelles nous assistons. Pour nous raconter les enjeux économiques qui motivent les parties en présence, l’auteure utilise l’humour, le tragique et le conte, et c’est une merveille. Le polar, dès lors qu’il parvient ainsi à se faire grave sans se prendre au sérieux (un registre pas si fréquent), a tout pour réjouir.
L’un des protagonistes est l’émissaire américain à Tirana, et ce Julius C. Grant semble, comme son pays, en perpétuel retard sur l’Histoire. L’Albanie n’est pas dans les priorités de son administration. Mais le meurtre d’un américain voit s’opposer politiques et religieux, alors que le peuple des montagnes, celui des miséreux, tente de ne pas devenir une nouvelle fois le bouc émissaire. Les traditions, et le monde moderne qui vient, se trouvent en choc frontal. Les assassins de la route du Nord fait partie de ces courts romans aussi riche que bref, aussi il ne sert à rien de trop en dire.
« En vertu du décret parlementaire n°228 du 7 avril 1924, l’état d’urgence est déclaré (…) Concrètement : la liberté de la presse, le droit de réunion et d’association, l’inviolabilité de la personne et du domicile, le secret des correspondances ainsi que le droit de recours. (…) – « Je ne savais pas qu’on avait autant de droits ! C’est bête de l’apprendre juste au moment où on nous les retire. »
Caroline de Benedetti
Anila Wilms, Les assassins de la route du Nord, traduit de l’allemand par Carole Fily, 2018, Actes Noirs, 19,80 €, 204 p.