Créée par Sam Shaw et Dustin Thomason (duo déjà à la barre de Manhattan), Castle Rock est une série anthologique basée sur l’œuvre de Stephen King. Après la réussite de l’adaptation sérielle de 11.22.63, l’auteur et J.J. Abrams se retrouvent de nouveau à la production. Sortie cet été sur le service de vidéo à la demande Hulu, la première saison de dix épisodes est diffusée en France sur Canal + depuis le 18 octobre. Une deuxième saison est d’ores et déjà annoncée pour l’été 2019.
À Castle Rock, petite ville du Maine, la prison de Shawshank fait face à la perte soudaine de son directeur. Sa remplaçante charge le surveillant Dennis Zalewski d’explorer une aile abandonnée du bâtiment. Au sous-sol, il découvre un jeune homme enfermé dans une cage. Celui-ci répond invariablement à toutes les questions par « Henry Deaver ». Or, ce nom n’est pas inconnu dans cette ville : enfant, Henry Deaver a fait la Une des journaux quand il a mystérieusement disparu pendant onze jours. Pour échapper à son passé, Henry a quitté Castle Rock et est devenu avocat spécialisé dans les condamnés à mort. Mais la découverte de ce jeune homme qui le réclame va le forcer à revenir dans sa ville natale.
Les romans et nouvelles de Stephen King inspirent les scénaristes depuis les années 70. Mais dernièrement, les adaptations de son œuvre déferlent sur petit et grand écran : quatre films pour la seule année 2017 (dont Ça et La Tour Sombre) et quatre séries depuis 2016 (11.22.63, The Mist, Mr. Mercedes et Castle Rock). Face à cette surabondance, la petite dernière se démarque avec une histoire inédite : pas d’adaptation à proprement parler donc, mais une pléthore de références aux personnages et lieux iconiques du maître du thriller fantastique. Clin d’oeil qu’on retrouve dès le casting avec la présence de Sissy Spacek, inoubliable dans Carrie au bal du diable et Bill Skarsgard, qui prête ses traits au clown du remake de Ça, personnage qu’il retrouvera en 2019 pour un deuxième volet. Ces deux acteurs sont d’ailleurs les grandes forces de Castle Rock.
Une atmosphère lourde, une ville maudite et des événements étranges : dès le premier épisode, tout est réuni pour faire sursauter et frissonner le spectateur. Aussi inquiétant qu’attachant, le mystérieux inconnu (Bill Skarsgard) entretient parfaitement le doute par la seule force du regard. Car sa présence semble responsable de déchainements surréalistes de violence : meurtres, accidents, incendies etc. Dans des intrigues secondaires dispensables, les cadavres et les corbeaux pleuvent à Castle Rock. La série explore d’autres thèmes chers à l’auteur tels que l’enfance, la religion, le destin ou la temporalité. Ainsi, Henry (André Holland) est un enfant adopté qui a grandi sous l’autorité d’un père pasteur, il est incapable de se souvenir des onze jours de sa disparition tandis que sa mère est atteinte d’Alzheimer.
Mention spéciale pour l’épisode « The Queen », centré sur cette mère malade et son quotidien ponctué de voyages dans le temps. Perdue entre les différentes époques, Ruth Deaver se réfère à des pièces de jeux d’échecs qui lui permettent de reprendre pied dans la réalité. Habitée magistralement par Sissy Spacek, ce septième épisode est un véritable moment de grâce et d’émotion, qui marque un tournant dans le show. Dans un dramatique jeu de miroir, le neuvième épisode révèle un peu plus du talent de Bill Skarsgard et questionne les choix de vie, ce « et si » qui change tout. Le final, qui s’évertue à révéler autant qu’à brouiller les pistes, est laissé volontairement sans réponse. A tort ou à raison, le spectateur devra en faire sa propre interprétation, car la deuxième saison de Castle Rock se tournera vers une nouvelle histoire.
Justine Vaillant