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Utopiales 2019, jour 3 : exercice du pouvoir, cataclysme et Man Ray

L’exercice du pouvoir

Surveillance de la population en Chine, soulèvements au Liban, protestations à Hong Kong, insurrections au Chili … partout le monde se révolte contre la perte de contrôle démocratique face à un pouvoir qui se recentre. Comment s’exerce-t-il ? De quels outils dispose la fiction pour donner à voir les différentes formes de pouvoir ? C’est cette actualité brûlante que Guillaume Lavenant (Protocole Gouvernante), Valérie Mongin et Jo Walton (Morwenna, Mes vrais enfants) ont interrogé ce samedi après-midi sur la scène Shayol.

Utopiales 2019, jour 3 : exercice du pouvoir, cataclysme et Man Ray

 

Un mot d’ordre ? Le secret. Pour Valérie Mongin, un pouvoir totalitaire ou, à l’inverse, démocratique est défini par son degré de transparence. Du côté du pouvoir, entretenir le secret revient à tendre vers un pouvoir absolu. De l’autre, pour les masses citoyennes, le secret peut-être un outil de révolte nécessaire pour provoquer un changement de système.
La fiction intervient alors en se saisissant de ces mécanismes complexes et dissimulés dans le but de simplifier les différents systèmes de pouvoir. Jo Walton souligne ainsi l’importance de la figure du pouvoir dans le récit de science-fiction afin de poser des questions sur les systèmes en place et ouvrir les imaginaires sur les alternatives possibles.

« La science-fiction est un laboratoire pour les changements de demain »

Si, par nature, le pouvoir tend souvent à devenir de plus en plus absolu, l’histoire montre que les citoyens jouissent de davantage de libertés malgré un sentiment largement partagé d’impuissance à l’échelle individuelle. À cela s’ajoute le spectre de la norme sociale et du pouvoir imposé par les individus eux-mêmes sur leur vie privée … Tableau noir ? Non. Car les sources d’espoir sont multiples, les victoires sont nombreuses et les récits de science-fiction disruptifs !

L’impossible pensée du cataclysme

On pourrait parier que nombreux sont les individus, parmi l’imposante foule venue assister à la table ronde réunissant Alain Damasio, Gwen de Bonnenval et Guillaume Durand sur la scène Shayol, qui reconnaissent les conséquences du réchauffement climatique. Pourtant, combien agissent ?

Utopiales 2019, jour 3 : exercice du pouvoir, cataclysme et Man RayLa faute à notre psychisme ? L’Homme ne serait pas « cablé » pour réagir au danger immédiat. D’après les psychologues, un phénomène de dissonance cognitive s’opère chez les individus se trouvant face à un risque menaçant leur confort. Ces derniers ressentent une tension interne, un inconfort psychologique lorsqu’ils se retrouvent confrontés simultanément à des informations ou des croyances qui sont incompatibles entre elles. Ici, la menace du réchauffement climatique et le maintien de notre mode de vie. Pour réduire cette dissonance, une solution : le déni ou la minimisation.

La faute aux autres ? Face à l’imperceptibilité du réchauffement climatique à l’échelle individuelle et à l’ampleur du phénomène, nombreux sont ceux qui s’estiment impuissants face à la menace écologique et renoncent à agir. Dans ce cas, si « l’autre » ne fait rien, je ne fais rien et personne ne fait rien. Cette manifestation classique du dilemne du prisonnier théorisée par le mathématicien Albert W.Tucker est un frein à l’émergence des actions collectives nécessaires à la lutte contre le massacre du vivant.

La faute aux politiques ? Le mandat politique de court-terme est incompatible avec la mise en place de véritables mesures visant à réduire l’impact du changement climatique sur les êtres vivants et les espaces naturels. Pour Alain Damasio, il ne faut rien attendre des pouvoirs publics car seule la société civile peut agir en délaissant une position d’attente au profit d’actions concrètes.

Le pouvoir de la fiction réside dans sa capacité à travailler sur les imaginaires dans le but de généraliser la prise de conscience des individus. Il s’agit de créer un vecteur de transfert de l’information plus universel entre la sphère scientifique et institutionnelle et la sphère individuelle. Le récit serait à même de provoquer un déclic comportemental en touchant les modes de perceptions des lecteurs, leurs émotions. Par sa forme finie, il donne à voir aux individus un phénomène de départ et les conséquences associées là où la réalité semble présenter un ensemble de fait simultanés et dissociés.

Attention ! Il faut veiller toutefois à ne pas tomber dans le piège de l’optimisme aveugle d’un côté ou de la collapsologie de l’autre. Alain Damasio insiste sur la nécessité de conflictualiser en permanence l’utopie et la dystopie en gardant une fin ouverte permettant « d’empuissanter » l’individu.

Utopiales 2019, jour 3 : exercice du pouvoir, cataclysme et Man Ray

Man Ray et les équations Shakespeariennes

Chaque année les Utopiales nous proposent des documentaires de qualité : le monde d’Ursula Le Guin, Alan Turing, ou les trous noirs. Cette année, je dois dire que Man Ray et les équations Shakespeariennes de Quentin Lazzarotto, m’a tapé dans l’œil. J’avais quelques notions sur le mouvement surréaliste, sur Man Ray et son oeuvre photographique mais je ne connaissais pas cette série de tableaux appelée « les équations Shakespearienne ». Le film de Quentin Lazzarotto nous raconte la genèse de ces œuvres, leurs liens avec les mathématiques, et ce que viens faire Shakespeare dans cette histoire. Une histoire qui mêle les équations à l’âme humaine.

Meï-Li Bellemare
Geoffroy Domangeau