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Utopiales 2019, jour 4 : uchronie, autrice et traductrice

Les codes de l’uchronie

Et si les forces de l’Axe avaient gagné la Seconde Guerre mondiale ? Et si la Révolution Française avait été étouffée dans l’œuf ? Et si John F.Kennedy avait survécu ? … L’uchronie permet d’explorer tous ces scénarios et d’imaginer d’autres futurs en revisitant le passé. Trois experts ont été appelés sur la scène Shayol des Utopiales ce dimanche 3 novembre pour échanger sur cet outil intellectuel puissant : Pierre Bordage (Ceux qui sauront), Bertrand Campeis (essayiste, membre du prix de l’uchronie ActuSF) et Jo Walton (Mes vrais enfants).

Utopiales 2019, jour 4 : uchronie, autrice et traductrice
De gauche à droite : Pierre Bordage, Bertrand Campeis, Jo Walton

Dès les premières minutes du débat, le titre de la table ronde est questionné. Il n’y a pas « des » codes mais une unique code de l’uchronie : l’existence d’un point de divergence à partir duquel, le récit, concordant avec l’Histoire jusqu’alors, s’en éloigne. Ce précepte est hérité des premiers récits uchroniques datant du XIXème siècle. Ces récits exigent une connaissance fine de l’Histoire par l’auteur jusqu’au point de divergence. Au départ pensée comme un jeu d’historien avec une forte arrière-pensée politique, l’uchronie est devenue un outil de questionnement libérateur et vecteur d’idées. Ce n’est plus la logique du regret qui motive le récit mais la volonté d’interroger le présent considéré comme une « simple » somme d’actions et de choix aux conséquences particulières.

À ceux qui critiquent le manque de plausibilité de l’uchronie, Jo Walton rappelle que l’Histoire elle-même est souvent peu plausible. Quelle était la probabilité que Winston Churchill décide de poursuivre la guerre malgré la position de faiblesse de la Grande Bretagne ? Quelles chances le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte avait-il d’aboutir ? L’uchronie, de façon presque paradoxale, permet donc parfois de présenter les évènements tels qu’ils auraient pu se produire « logiquement » et l’ensemble de leurs conséquences.

Qu’elle soit politique ou domestique, l’uchronie s’affirme de plus en plus comme l’expérience de pensée par excellence et suscite un engouement croissant tant dans la sphère littéraire que cinématographique. On pense à l’adaptation du Maître du Haut Château (Philip K. Dick) en série télévisée par Brad Anderson ou au dernier film de Quentin Tarantino, Once Upon a Time… in Hollywood.

 

L’autrice et son ombre : Ada Palmer et Michelle Charrier

Peu de monde à l’entrée de la salle Tardis pour assister à la rencontre avec Ada Palmer et Michelle Charrier … peut-être un manque de communication suite à l’annulation tardive de celle initialement prévue entre Tade Thompson et son traducteur, Jean-Michel Brèque. Et c’est bien dommage car quelle rencontre passionnante !

La récente sortie en français de son roman Trop semblable à l’éclair, qui a reçu de nombreux prix Outre-Altlantique, était très attendue. D’abord par les lecteurs mais surtout par l’autrice elle-même qui peut lire le français et s’est fortement inspirée de Diderot et notamment de son roman Jacques Le Fataliste et son maître. Défi supplémentaire pour sa traductrice Michelle Charrier !

Les échanges entre les deux femmes ont été nombreux durant tout l’exercice de traduction, notamment en raison des nombreux choix de translation à faire. Le roman d’Ada Palmer joue beaucoup sur les questions de genre, primordiales dans le récit. Or le français est, par essence, une langue beaucoup plus genrée que l’anglais. Là où, dans la version originale, Ada Palmer utilise le pronom neutre pluriel « they », Michelle Charrier a dû inventer un « on » pluriel pour le traduire. Par ailleurs, l’autrice a accordé une grande importance au maintien de l’ambiguïté du genre des personnages, exercice beaucoup plus difficile en français. L’ensemble de ces défis a été brillamment relevé par Michelle Charrier dont la traduction a été saluée par l’autrice elle-même et par les lecteurs francophones.

Meï-Li Bellemare

Utopiales, fin

Ce dimanche marque la fin des Utopiales. La fatigue est là. Après la rencontre « Serial Killer » Sylvain Forge et Benjamin Fogel partent en dédicace. Alain Damasio est là aussi, L’Indic posé au milieu de ses romans. Puis nous assistons à une séance de jeu de rôle interactive en public et tendons l’oreille sur le sujet des sciences humaines du futur. Le temps de discuter avec les auteurs, autrices, éditeurs et éditrices, journalistes, libraires, confrères… La journée s’achève. Les beaux costumes des cosplayers se font remarquer dans les allées. Ces quatre journées denses resteront marquées par une affluence incroyable. Effet météo pluvieuse ? Effet Damasio ? Effet qualité, sans aucun doute. On dresse la liste des séances de cinéma manquées, des débats auxquels nous avons dû renoncer. Il reste de nombreuses images en tête certaines à partager encore ici avec vous.

Caroline de Benedetti