C’est l’histoire d’une femme qui se souvient exactement quand et où elle « devient folle ». Et on se demande, nous, quelle occasion de la vie, quel coup dur pourrait nous faire basculer ?
Pour Irène la goutte de trop a le visage d’un chirurgien zélé qui allège son père de la prostate et d’un long bout d’intestin, en plus de sa hernie. Alors elle dézingue, elle atomise, elle explose, elle écrase, bref, elle tue. Elle ne pète pas les plombs mais les boulons, ceux qui entretiennent les rouages du corps social en abandonnant toute conscience, morale et empathie.
« Je ne me sentais pas coupable de refuser le chagrin. Je ne me sentais pas coupable de frauder les allocs pour briffer. Je ne me sentais pas coupable de tricher, voler, mendier. Et la chose dont je me sentais le moins coupable, c’était d’écraser une à une les tronches des garde-chiourmes de cet ordre sélectivement cannibale. »
Ce roman de Laurence Biberfeld a tout d’un d’un cri libérateur, celui poussé par toutes les voix soumises aux humiliations quotidiennes. Par le biais d’Irène et des membres de sa famille atypique, qui comprend les enfants autant que les amis vivant en squat et en caravane, une vendetta géante se met en place. La violence est entrecoupée de moments d’émotion et de solidarités, porté par le souffle des vies à la marge des normes sociales.
Les derniers romans noirs de l’autrice étaient plein des descriptions de la nature, de solitude, de poésie, cadrés en plans serrés. Avec Péter les boulons Laurence Biberfeld casse des tronches et ses habitudes, et si le changement peut dérouter, la joyeuseté l’emporte !
« Depuis le temps qu’on assassinait sans vergogne autour de moi, cellule à cellule, depuis le temps qu’on m’écrasait méthodiquement la gueule sur le trottoir, sans hâte mais sans débander non plus, j’avais pris un élan que bien des manivelles devait m’envier. »
Caroline de Benedetti
Laurence Biberfeld, Péter les boulons, Editions In8, 2019, 17 euros, 264 p.
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