Demain, la fin de notre monde n’aura peut-être rien de spectaculaire. Il suffit d’un virus et d’une population mondiale décimée. Les survivants s’organisent, oui mais comment ? Comment fait-on sans électricité ? Comment réagit-on face à des survivants hostiles ? Ces questions ont déjà été traitées par la littérature de genre et continueront de l’être. Elles offrent une mise en perspective de notre humanité. Emily St John Mandel l’a fait à merveille dans Station Eleven, Cormac McCarthy dans La route, Robert Merle dans Malevil, Richard Matheson dans Je suis une légende, P.D. James dans Les fils de l’homme. Des romans d’anticipation, souvent parus ou reparus dans des collections de littérature générale.
La constellation du chien s’axe autour de deux personnages, deux hommes aux sensibilités opposées, deux tempéraments. Le rugueux Bangley s’adapte aussi facilement à la fin de la civilisation que Hig vit dans la nostalgie, la poésie et l’amour des truites éradiquées par la chaleur.
« On est déjà comme des rois Hig. Il aura fallu la fin du monde. »
Leur couple improbable s’organise autour d’un aérodrome d’où Hig s’envole à bord d’un Cessna, avec son chien pour copilote. Du ciel on pourrait presque s’imaginer que rien n’a changé, en bas. Ce lieu de vie forme un décor fabuleux. Avec Hig, ses promenades et ses poésies, l’émotion, la pudeur et la complicité prévalent. L’écriture de Peter Heller transmet au lecteur la sensibilité de Hig. Que serions-nous, ramenés au plus près de la mort, à l’ennui et à la solitude ? Les sources d’émerveillement deviennent rares dans un monde détruit, elles sont d’autant plus fortes et cette histoire est de celles qui font vivre des moments intenses. Dans le quotidien de ces hommes, rempli de peu, rien n’a le même sens que dans le vieux monde. Ce vieux monde est celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. La constellation du chien nous invite à l’observer avec un autre regard.
Caroline de Benedetti
Peter Heller, La constellation du chien, Actes Sud/Babel, 2015, traduit de l’anglais par Céline Leroy, 9,70 euros, 408 p.