Le juge demande à Martial Kermeur, narrateur de L’article 353 du Code Pénal de Tanguy Viel, « d’excaver » ses souvenirs. Il veut comprendre ce qui l’a poussé à jeter un homme par-dessus bord. Excaver, c’est aussi ce que fait l’auteur en décrivant les pensées de cet homme poussé au crime.
Dans le dévoilement d’une parole intime avec ses mots simples, dans le flot des phrases qui donnent l’illusion d’une confession chuchotée à notre oreille, Tanguy Viel réussit le premier tour de force. « Mais alors laissez-moi la raconter comme je veux, qu’elle soit comme une rivière sauvage qui sort quelque fois de son lit, parce que je n’ai pas comme vous l’attirail du savoir ni des lois (…) ».
L’autre force du roman tient dans le dévoilement des mécanismes de l’arnaque et de la soumission. Martial a été identifié comme victime potentielle par son bourreau. Seul avec son fils, sans véritable emploi, pris entre culpabilité et honte, il représente ce que chacun d’entre nous a pu vivre un jour, un état de faiblesse. Lui, le socialiste de 1980, le voilà en train d’investir chez l’ennemi, dans l’immobilier. En croyant au rêve de la « paix sociale » il mène finalement son fils vers la compréhension de la lutte des classes.
Et comme dans de nombreux romans de l’auteur on prend plaisir à retrouver la mer et la presqu’ile, le vent et la pluie, accompagnant toujours les sentiments des hommes et des femmes autour. Tout cela conduit ce court roman, évoquant à la fois Chabrol et Simenon, vers un final qui interroge la justice et l’innocence : quel ordre prétend-on rétablir quand il se fait au mépris de la justice ?
Finissons sur un rapprochement : si Article 353 du Code Pénal vous a plu, allez chercher du côté d’Hervé Jaouen et ses Moulins de Yalikavak.
Caroline de Benedetti
Tanguy Viel, Article 353 du Code Pénal, Les Editions de Minuit, 2017, 176 pages, 14,50 euros