« Car quoique le népenthès ait mis la main sur moi, je sais pour toujours que je suis d’ailleurs, un étranger en ce monde, un étranger parmi ceux qui sont encore des hommes. Et cela je le sais du moment où j’ai tendu la main vers cette abomination dressée dans un grand cadre doré, depuis que j’ai porté mes doigts vers elle et que j’ai touché une surface froide et immuable de verre lisse. »
Je suis d’ailleurs de Howard Philip Lovecraft, traduit par Yves Rivière pour Denoël.
Changement de décor radical pour ce sixième épisode de Lovecraft Country : Meet me in Daegu se passe en Corée pendant la guerre. L’occasion de découvrir Atticus en soldat de l’U.S. Army.
Meet me in Daegu fait un focus sur le personnage de Ji-Ha, déjà croisé dans l’épisode Sundown (elle téléphone à Atticus), Whitey’s on the moon (elle attaque Atticus lors d’une série d’illusions) et Strange Case (où Atticus lui passe un coup de fil). L’épisode est aussi l’occasion d’aborder la guerre de Corée et ses horreurs. La thématique de la guerre est pleinement incorporée à l’histoire puisque Atticus fait partie des bourreaux.
Véritable film à lui tout seul, Meet me in Daegu fait référence à un monstre traditionnel de la culture coréenne en même temps qu’il cite plusieurs passage du Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas. C’est le livre lu par Atticus sur son lit d’hôpital. Nul doute que l’histoire du Comte est une des clefs de l’histoire. Le monstre – qui pourra rappeler la nouvelle Je suis d’ailleurs de Howard Philip Lovecraft – apprend à connaître la race humaine au travers des souvenirs des hommes qu’il a absorbés, et du cinéma américain des années 40.
Quant au spectateur, il continue d’apprendre à découvrir en profondeur les protagonistes. L’histoire d’amour entre Ji-Ha et Atticus met à jour leur humanité derrière les horreurs qu’ils commettent sous le joug d’une puissance qui les dépasse.
Avec ce sixième épisode nous pouvons déjà répondre à une critique faite à la série : « Lovecraft Country n’a rien à voir avec Lovecraft ». Pourtant, la dimension monstrueuse et burlesque de Lovecraft est présente dès le premier épisode (Sundown), le côté cosmique apparait très vite dans Whitey’s on the moon, il est aussi évoqué avec l’étrange maquette d’un système solaire comportant deux soleils que Leti découvre dans la maison qu’elle vient d’acheter (Holy Ghost et A History of violence). Le côté anthologique (un épisode explorant à chaque fois un sous genre du fantastique) aussi. Et le tout se développe autour d’un arc narratif principal dévoilant une mythologique à la fois magique et cosmique qui tourne autour de l’immortalité, des racines familiales et de l’hérédité (des thèmes chers à Howard Philip Lovecraft).
Mais ne nous trompons pas, Lovecraft Country n’est pas une série sur Lovecraft ou à la manière de Lovecraft, c’est une histoire qui se passe dans un monde à la fois fictif et réél, celui de l’univers de Lovecraft, celui de la ségrégation américaine et plus largement des pulps américain, et d’au moins une légende coréenne…
Emeric Cloche