De longs bras et une main gauche difforme, un gros nez qu’il fourre partout, et une silhouette efflanquée. Tel est Nathanaël Tamanoir, sirotant son café dans son bar préféré, le Tentation de Saint-Antoine. Le café s’accompagne du Parisien, jamais à court de fait divers et justement l’un d’eux attire l’attention de Nathanaël. Tamanoir de Jean-Luc A. d’Asciano affiche son hommage à un héros du genre. Vous ne l’avez pas reconnu ?
Quelle délirante et réjouissante promenade dans Paris. Le cimetière du Père Lachaise est le premier lieu a servir de décor fantastique au roman. Au sens premier du terme. Un clochard qui ne craint pas les balles (Ishmaël), accompagné de sa surprenante chatte Bethsou, vont rejoindre notre héros à la poursuite du Diable. D’autres personnages secondaires étoffent la galerie, de Coventina la chérie du Tamanoir à Jacquot le SDF. La pseudo enquête autour de la mort de bénévoles d’une association a tout d’une équipée sauvage et animalière. Les références pleuvent. Star Wars, Cthulhu, La traversée de Paris… On pense aussi à Christopher Moore, celui d’Un blues de coyote.
« – C’est ton métier, tuer les méchants, Ishmaël ? interroge le Tamanoir, qui trouve cette herbe vraiment très forte.
– Non, je suis du côté des rébellions.
– Des révolutions ?
– Non, uniquement des rébellions.
– Quelle différence ?
– Suis toujours du côté des perdants. »
Si l’humour et l’aventure l’emportent, l’auteur glisse plusieurs considérations sur notre société. Ses personnages à la marge reflètent un monde violent pour les plus faibles. Un roman qui démarre au cimetière ne peut s’abstenir de parler de la mort et de la religion. Seul regret, le trait se fait trop appuyé quand il s’agit du fond politique de l’affaire. La tirade sur les migrants et les capitalistes renvoie le lecteur dans un réel dont il s’était jusque-là échappé avec régal. Défaut mineur, tant ce Tamanoir agit comme un puissant sortilège.
Caroline de Benedetti
Jean-Luc A. d’Asciano, Tamanoir, Aux forges de Vulcain, 2020, 18 euros, 200 p.