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Sarah Jane de James Sallis

Sarah Jane de James Sallis

James Sallis débarque à la Noire à la fin des années 90. Son héros récurrent, Lew Griffin, fait sa réputation. Sans oublier son écriture. L’auteur américain est publié depuis bientôt 30 ans. Le voici à 76 ans avec un roman qui fait encore mouche. Sarah Jane de James Sallis repose sur un personnage féminin. L’auteur avait déjà mis en scène une femme, mais Others of my kind n’a pas été traduit en français. Pourquoi ? se demande-t-on au passage.

Sarah Jane a commencé à écrire enfant, quand on l’appelait « Mignonne » et qu’elle racontait ses journées dans un cahier à spirales ; et c’est en spirale que Sallis raconte l’adolescente, étudiante, puis militaire, puis… sa vie. Avec des bonds dans le temps, des flashbacks, des digressions. Une vie pas facile, car nous sommes dans un roman noir. Et c’est comme « une musique de potentiel pur, une musique qui ne prenait jamais vraiment corps, qui refusait d’abandonner ne serait-ce qu’une possibilité. » Qui connaît Sallis sait à quel point la musique et la littérature se fondent dans son écriture.

Sarah prend la route à 17 ans, et rejoint ceux pour qui « le mot maison devrait être signalé par des guillemets ». Autrement dit, avec une référence musicale : « Je porte mon pays en moi, je suis mon pays. Comme dans la chanson : This world has never been my home. » Les rencontres, les amitiés, les amours, remplacent le foyer. Les lieux sont importants, mais juste parce que ces villes « ces petites nations, deviennent des entités. » La tension se cache dans un drame qui a mené la jeune femme au tribunal. Le lecteur relie les fils disséminés dans ces 200 pages pour comprendre Sarah, et se trouver bouleversé.

« Je me suis rendu compte ce matin que ça ne me paraissait plus important de continuer à écrire », dit l’un des personnages. Puisse-t-il ne pas être la voix de James Sallis. Là où beaucoup auraient fait de Sarah un être revanchard, un porte-étendard des violences faites aux femmes, Sallis trouve la juste mesure. Parce que tous les romans américains ne sont pas affaire de rédemption, comme le dit ce magistral chapitre 20.

Caroline de Benedetti

James Sallis, Sarah Jane, Rivages/Noir, 2021, traduit de l’anglais par Isabelle Maillet, 19 €, 207 p.

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