Onzième film du réalisateur coréen Park Chan Wook, Decision to leave s’inscrit dans la veine de ses précédentes œuvres profondément marquées par le genre policier.
La séduction, les relations troubles et le crime imprègnent les histoires du réalisateur sud-coréen. Mademoiselle, son tout dernier long métrage (2016), était une adaptation du roman Du bout des doigts (Fingersmith) de Sarah Waters paru chez Denoël en 2003. Decision to leave ne vient pas d’un roman, Park Chan Wook et Jeong Seo-kyeong ont écrit le scénario original. L’influence du Vertigo d’Hitchcock est souvent citée en référence, mais la parenté avec Basic Instinct de Paul Verhoeven semble aussi évidente.
L’intrigue a tout des archétypes du polar : le corps d’un homme est découvert au pied d’une montagne. Le policier en charge de l’enquête, Hae-joon, s’intéresse à la veuve, Seo-rae. L’homme est un flic ordinaire et droit. Il a cessé de fumer et ne boit pas, il ne cogne qu’à l’occasion d’une fabuleuse poursuite à pieds, tout en lenteur.
Hae-joon est à la fois classique et étonnant ; Il ne parvient pas à trouver le sommeil et occupe ses nuits à filer ses suspects. Le week end il retrouve sa femme, lui fait à manger, et doit régulièrement mettre des gouttes dans ses yeux. Est-ce pour ne pas pas se laisser aveugler par la veuve ? Elle est jeune, jolie, chinoise et énigmatique. Très vite l’enquête de Hae-joon se transforme en obsession pour Sea-rae, et les deux protagonistes se rapprochent petit à petit. La subtilité de leurs échanges, et la façon dont leur attirance s’incarne évitent à Decision to leave les attendus du polar. L’histoire – archi-classique, répétons-le – se trouve magnifiée par la réalisation et le jeu d’acteurs.
La fiction policière se construit souvent avec la découverte d’un corps amorçant deux histoires : le crime et l’enquête. Chacune de ces histoires va se développer : l’une au présent dévoile l’autre au passé. Ces deux récits qui appartiennent à des temporalités différentes sont comme deux mondes séparés. Le coupable et l’enquêteur ne se rencontrent ou ne se connaissent vraiment qu’au moment de la résolution. La rationalité de l’enquête se confronte alors à la pulsion – nous sommes ici tenté de dire l’aventure – du crime… et la boucle est bouclée. C’est tout un art de mêler ces deux histoires, et de mener à leur rencontre.
La structure de Decision to leave, avec ses scènes imbriquées les unes dans les autres, brouille agréablement la temporalité. La réalisation sobre, loin de la flamboyance de Mademoiselle, va de pair avec l’économie de dialogues. Le suspense existe, la question de la culpabilité de la veuve occupe l’esprit, mais pas autant que la question de l’issue du conflit entre attirance et morale.
Alors que l’intrigue semble se résoudre, le film offre une nouvelle séquence, différente et complémentaire de ce qui a précédé. Park Chan Wook et son équipe signent un polar de haut vol, indispensable.
Caroline de Benedetti et Emeric Cloche