Nous autres est d’abord publié en russe à Paris en 1920, avant de paraître brièvement en URSS où il sera interdit en 1923. Il faudra attendre 1929 pour accéder à une traduction en français chez Gallimard. Eugène Zamiatine quittera pour sa part la Russie en 1931 après avoir fait de la prison. Avec son roman Nous Autres il brosse un futur inquiétant. Une leçon de dystopie.
D-503 est un des constructeurs de L’Intégral, une fusée spatiale destinée à répandre le bonheur d’appartenir à L’État Unique dans tout le cosmos. Ce que vous allez lire est son journal. En tant qu’individu, numéro D-503 vit selon la table des heures, à l’unisson avec les autres numéros. Pour les dépositaires de la dernière révolution qui régissent le monde, l’imagination est un ennemi. Elle empêche le cerveau d’accéder au bonheur et de devenir une mécanique parfaitement réglée. Se plier aux lois des mathématiques exactes, voilà le but de cette société où la dimension techniciste des rapports de production est poussé à son maximum. Ce monde est l’aboutissement d’un taylorisme où l’individualité n’a sa place qu’en tant que rouage de la machine. Mais dans ce monde froid et calculateur il existe quelques dissidents, dont une femme rebelle, I-330.
Nous Autres est une dénonciation de l’organisation unilatérale de la société qu’elle soit communiste, mécaniciste ou libérale – Zamiatine fût défavorablement marqué par sa visite de l’Angleterre industrielle dont il tirera le roman Les Insulaires. Le propos est tout aussi glaçant que celui de 1984, Eux, Le meilleur des mondes ou Espace Lointain, romans dont Nous Autres est précurseur.
Emeric Cloche
Eugène Zamiatine, Nous autres, traduit du russe par Benjamin Cauvet-Duhamel pour Gallimard, collection « Les Jeunes Russes » ; puis « L’Imaginaire », 1979.