Cujo est un Stephen King balzacien. L’auteur continue sa description de la ville de Castle Rock. On retrouve le shérif Bannerman et Frank Dodd, des personnages croisés dans Dead Zone. King se concentre sur deux familles américaines de la classe moyenne. Une des thématiques de Cujo est la vie de couple, avec la domination masculine et ses corolaires : la violence conjugale et la virilité notamment.
L’action se situe principalement dans le petit garage des Camber, en haut d’une colline où Donna (la mère) et Tad (son petit garçon de 4 ans) viennent faire réparer leur voiture. D’une situation ordinaire King va faire un roman grâce à un élément perturbateur (un très gros chien). L’histoire de Donna et Tad va marquer Castle Rock et s’inscrire dans la mythologie de la ville. Elle sera ensuite mentionnée dans Bazaar, Le Corps et Simetierre. Comme Faulkner et Proust, King créé un monde imaginaire qui s’étend de livre en livre. Le Shériff Bannerman par exemple sera mentionné dans d’autres œuvres et il aura même une rue à son nom (dans Élévation).
Au début de Cujo King parle du Mal, oui le Mal avec un grand « M » majuscule. Il en parle comme Bob Dylan parle des chansons… comme si le Mal flottait dans l’air. Pour King le Mal a toujours été là et peut s’abattre sur un lieu ou une personne à n’importe quel moment. Mais d’où vient-il ? Jusqu’à quel point l’a-t-on dans la peau ? C’est un autre thème du livre, moins creusé cependant que le côté social et familial.
Le texte comporte des effets classiques de l’auteur, comme l’étirement du suspense. Quand une action va avoir lieu, King la ralentit en donnant des informations sur le passé des protagonistes, voire sur un objet qui rentre en compte dans la scène. Il pratique aussi des coupures à des moments cruciaux, passant d’un personnage à l’autre en suspendant une scène qu’il reprendra plus tard, parfois avec une ellipse.
La fin de Cujo est marquante. Sommes-nous ici en présence d’un « méchant » ou d’un « gentil » King ? L’ombre a-t-elle pris le pas sur la lumière ? Je vous laisse tirer vos conclusions.
Emeric Cloche.