On le sait depuis ses ouvrages sur la guerre d’Algérie, Frédéric Paulin s’est fait une spécialité de mélanger fiction et Histoire. L’auteur n’a pas son pareil pour tracer les lignes de force reliant les faits entre eux. À la lecture de ses romans – et Nul ennemi comme mon frère en est un parfait exemple – l’Histoire devient plus claire. Pas moins compliquée, mais plus lisible.
Nous sommes nombreux à nous rappeler des otages au Liban (Marcel Carton, Marcel Fontaine, Jean-Paul Kauffmann, Michel Seuraten…) détenus entre 1985 et 1988. Nous nous rappelons de leurs portraits au 20h d’Antenne 2. C’est toute une époque et son contexte, que nous expose Frédéric Paulin, et ce n’est pas une mince affaire. La guerre du Liban voit s’affronter Israël, le Hezbollah, l’Iran et les communautés libanaises. L’action se déroule aussi en France avec les actes terroristes du Hezbollah et la guerre diplomatique avec le Liban. Souvenez-vous : Giscard, le suicide de Robert Boulin, l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, puis Chirac premier ministre, la montée du FN… il va s’en passer des choses. Entre Juifs, Palestiniens, Druzes, Maronites, Sunnites, Chiites, Syriens, Français, Iraniens, Israéliens… tout un monde complexe et divisé – comme les quartiers de Beyrouth – un monde d’alliances et de trahisons. Il faudra un lecture attentive et curieuse. L’engrenage de la violence est là sous nos yeux. Bien sûr, tout ce qui se passe dans ces années de guerre résonne avec ce qui se passe aujourd’hui au Moyen-Orient.
Liban, Frédéric Paulin éclaire l’Histoire
Les personnages sont aussi multiples que les factions. Bachir Gemayel (président du Liban), Michel Nada (maronite), le capitaine Dixneuf (de la DGSE), Sandra Gagliago (la juge d’instruction), Philippe Kellermann (diplomate français au Liban), Zia al-Faqîh qui travaille pour l’ambassade… Les personnalités réelles côtoient les personnages fictifs. Le désir et l’amour font aussi partie de cet imbroglio parfois poisseux et toujours dangereux. On pourrait être submergé par tant d’informations, mais grâce à la fiction Frédéric Paulin trace un chemin pour s’y retrouver et revivre ces années. Des années que nous n’avions pas tant oubliées.
Nul ennemi comme un frère de Frédéric Paulin est une réussite. Ce premier tome ouvre une fresque qui va permettre de voir évoluer deux générations de personnages sur 15 ans (1975 à 1990). Notons que le livre – l’objet – est agréable à l’œil et au toucher, ce qui ne gâche rien à l’affaire. Vite ! La suite.
Rentrée littéraire 2024
Emeric Cloche
Frédéric Paulin, Nul ennemi comme un frère, Agullo Noir, 2024, 480 pages. 23,50 €