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Un pays de fantômes de Margaret Killjoy

Un pays de fantômes de Margaret Killjoy

Dimos Horacki est envoyé par la Gazette de Borolie sur le front d’une guerre de conquête impériale. Il a en partie conscience d’être un rouage dans la guerre qui se joue en Vorronie. Un Pays de fantômes se situe dans un monde imaginaire aussi appelé « monde secondaire ».

Le narrateur n’a pas eu une enfance facile. « La Broyeuse », l’institut où il a été placé après avoir perdu ses parents, rappelle certains passages du livre La Théorie des Ondes de Pascale Chouffot (éditions du Rouergue, 2024). Cette guerre dans les montagnes se déroule comme n’importe quelle guerre coloniale ; là encore on pourra rapprocher ce récit d’un autre livre récent Malheur aux vaincus de Gwenaël Bulteau (La Manufacture de Livres, 2024).

Le roman de Margaret Killjoy expose un point de vue sur l’organisation de la société. Il pointe du doigt les mécanismes de la guerre de colonisation et – si le diable existe, la hiérarchie est sa méthode – du fonctionnement de l’armée. Au milieu des Cerracs, Dimos prend conscience, profondément conscience, de ce qui se joue dans cette guerre. Malheureux dans son monde, il trouve refuge dans un autre.

Un Pays de fantômes est une utopie présentant dans un premier temps une armée auto-gérée, unie dans la lutte contre l’envahisseur (à l’image des Zapatistes du Chiapas). Puis, c’est tout un pays qui prend forme, un pays de fantômes, où l’on ne vit pas selon les mêmes principes que l’Empire.

Le style que choisit Margaret pour raconter cette histoire est presque désuet. Vous aurez l’impression de lire un roman d’aventure de la fin du XIXe, début XXe. Ce style ajoute à l’immersion dans ce monde « steampunk ». Autre fait notable, il n’y a pas de magie dans cette fantasy, pas plus que de destinée. Et comme le remarquait une des étudiantes du cours Mauvais Genre, chemins de traverses de la littérature de l’Université Permanente de Nantes, nous sommes aussi dans un livre de science-fiction, puisque son sujet est en grande partie la science politique avec l’organisation d’une société anarchiste.

Une dernière chose au sujet de ce livre qu’il faut lire. Il fait aussi penser à Demain une oasis (Fleuve Noir, 1992) de Ayerdhal. Quand un roman en remet d’autres en mémoire, c’est en général un bon marqueur. L’art répond à l’art.

Emeric Cloche

Margaret Killjoy, Un pays de fantômes, traduit de l’anglais par Mathieu Prioux, éditions Argyll, 2022, 208 pages, 19, 90 Euros. En poche chez Pocket, 2024.