Commençons par les travers : une petite tendance mélodramatique poussée par une forme d’écriture à la structure hachée, cette tendance à la phrase courte, deux mots.
On passe à la ligne.
Ça peut agacer. Maniéré.
Ensuite, il y a ce que dit l’histoire. David Coulon ouvre plusieurs pistes intéressantes. Il balance un homme sur une route de campagne et lui fait croiser une femme qu’il tue involontairement. Mais surtout, il lie la mort de cette femme à la mort du corps social. Pendant que le personnage, ce chômeur, cherche comment s’en sortir, les usines vidées des salariés continuer de cracher leur fumée sans que l’on sache qui y travaille, alors que l’agence de reclassement fonctionne à plein régime.
Cet homme, père de famille, vit une double culpabilité : ne plus avoir de travail, et avoir ôté une vie. Dès lors, il cherche ce que fuyait cette femme qui a surgi sur la route, et n’arrive pas à se débarrasser du cadavre. Dans ce coin de campagne rattrapé par l’urbanisation, se dissimulent autant de coins paumés et isolés pour cacher un cadavre. Géographie du crime. Autopsie du couple qui ne s’aime plus et se ment.
La mécanique du suspense aurait mérité d’être allégée. Des témoins parlent fort à-propos, comme la prostituée, ou les parents d’une victime ; la fin s’embarque dans un complot de grande ampleur qui laisse un doute. Peut-être l’auteur a-t-il voulu écrire une sorte de conte, il aurait pu alors pousser un peu le registre. Reste une histoire qui intrigue sans oublier d’avoir du fond et une très belle ambiance. De quoi nous faire oublier l’appellation idiote inscrite sur la couverture « Roman policier mais pas que »…
Caroline de Benedetti
David Coulon, Je serai le dernier homme, 2018, Lajaunie, 18 €, 300 p.