Développée par Marti Noxon (Dietland) et réalisée par Jean-Marc Vallée (Dallas Buyer Club, Big Little Lies), la série Sharp Objects a été l’un des succès de l’été. Adaptés du premier roman de l’américaine Gillian Flynn Sur ma peau, les huit épisodes ont été diffusés du 8 juillet au 26 août 2018 sur HBO et en France sur OCS City. Malgré son succès, cette mini-série restera un projet unique : l’expérience du rôle de Camille était trop lourde pour Amy Adams. Une preuve de plus de l’intensité de l’œuvre, s’il en fallait une.
À Saint-Louis, Camille Preaker est une journaliste spécialisée dans les affaires criminelles. Suite au meurtre et à la disparition de jeunes filles, elle est contrainte par son travail de retourner à Wind Gap, sa ville natale. Or, Camille y a vécu un traumatisme : sa petite sœur Marian est morte lorsqu’elles étaient enfants. Elle retrouve donc sa mère Adora, son beau-père Alan et sa demi-sœur Amma dans une maison pleine de souvenirs. Dans cette bourgade où les ragots et rancœurs vont bon train et où tout n’est que faux-semblants, Camille tente de se faire une place pour écrire son article et peut-être même trouver le meurtrier.
Gillian Flynn est décidément la reine des adaptations. Elle connait le succès international avec son troisième roman Les Apparences (Gone Girl), dont elle a écrit le scénario pour l’adaptation cinématographique de David Fincher (Seven, Fight Club, Zodiac, pour ne citer qu’eux) en 2014 : le film, qui met en scène Ben Affleck, Rosamund Pike et Neil Patrick Harris, remporte plusieurs récompenses notamment pour la qualité de son adaptation scénaristique. Un an plus tard, elle récidive avec Les Lieux sombres (Dark Places) : son deuxième roman est porté sur grand écran par Gilles Paquet-Brenner (Elle s’appelait Sarah) avec Charlize Theron, Nicolas Hoult, Christina Hendricks et Chloë Grace Moretz dans les rôles principaux. Avec cette nouvelle série, tous ses romans ont à présents été retranscrits sur petit ou grand écran avec succès.
Sharp Objects explore la peur intime des parents avec la disparition et le meurtre de jeunes enfants. Comme souvent en campagne, ces crimes n’en sont que plus horribles : la méfiance et les suspicions sont légions, le voisinage devient une menace. Dans cette petite ville américaine du Missouri, la panique et la paranoïa deviennent incontrôlables face au nombre et à la violence des meurtres. Les enfants n’ont plus le droit de jouer dehors et un couvre-feu est instauré. Adora, la mère de Camille, Marian et Amma, est particulièrement atteinte par ces meurtres. Elle symbolise la mère aimante et dévouée, touchée par l’horreur de la perte d’un enfant. Elle ne vit qu’à travers son rôle de parent et est très soucieuse des oui-dire et des apparences : ses filles sont sa réputation et son image, un poids qui n’a pas été sans conséquence sur sa progéniture.
Mal dans sa peau, Camille est une adepte de l’auto-mutilation qui cherche à exorciser sa souffrance et sa détestation de soi. L’héroïne au parcours chaotique enquille les mignonettes de vodka au son mélancolique de Led Zeppelin. Revenue en terre natale, elle suscite la curiosité et la désapprobation autour d’elle : ses anciennes camarades de lycée se sont mariées et ont fondé des familles nombreuses tandis que sa mère réprouve son travail. La petite dernière de la fratrie n’est pas en reste : Amma cultive une double personnalité entre petite poupée sage et ado cool et tyrannique. Car la pression est forte pour celle qui est née après la mort de la parfaite Marian, un idéal innateignable figé dans l’éternité.
Explorant des thèmes tels que la jalousie, la réputation ou l’amour maternel, le show est intelligent et addictif. Même si on peut voir quelques ressemblances dans la forme et le ton avec True detective, Sharp Objects prend le contre-pied et se concentre sur les femmes et la relation mère-fille. La narration (trop) lente pose l’intrigue tandis que les flash-backs et hallucinations déstabilisent et surprennent. Côté casting, on retrouve Amy Adams dans le rôle de la torturée Camille. Longtemps cantonnée aux personnages optimistes et naïfs (Junebug, Il était une fois), l’actrice a depuis révélé la palette variée de ses talents avec Doute (2008), Fighter (2010), The Master (2012), Her (2013), Big Eyes (2014), American Bluff et Nocturnal Animals (2016). Ses prestations sont saluées par le public comme par la critique avec des nominations régulières aux Oscars, aux BAFTA et aux Golden Globes. Avec Sharp Objects, elle confirme une fois de plus sa maitrise du thriller et du registre dramatique. On reconnaît également Patrica Clarkson (Six Feet Under, Pieces of April) qui joue Adora, Chris Messina (Manglehorn) est le détective Richard et la toute jeune Eliza Scanlen explose dans la peau d’Amma. Alors que les indices s’accumulent et que le piège se referme inexorablement, les secrets du passé font ressortir une vérité atroce qui surgit au bout du suspense.
Justine Vaillant
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