Bienvenue dans le monde universitaire, aux côtés de Laura, thésarde et prof de sociologie. Rien à voir avec la fin du monde que peut laisser entendre le titre. Enfin, rien à voir avec une terre désertée, des survivants et des combats. Le roman d’Ava Fortel (pseudo de deux autrices) vise plutôt la fin d’un système.
Quant à l’univers de Laura, il vacille par petites touches. Il y a d’abord l’incertitude des premiers pas dans l’amphi, face aux élèves. Puis la douleur et l’incompréhension lorsqu’elle découvre le corps de son directeur de thèse suicidé. Les proches du brillant sociologue des religions, auteur d’une théorie de la laïcité financière, ne comprennent pas son geste.
C’est ainsi que démarre un récit à la fois simple (comprendre la mort d’un homme) et riche des pistes qu’il offre. L’université offre un fabuleux décor de soap opera, à base d’ambition, de rivalité entre enseignants-chercheurs et de manque de moyens. Une dose de mystère vient se greffer, avec l’enquête policière et la présence d’un mystérieux homme du gouvernement. Des secrets entourent un groupe de professeurs acoquiné à des hackers. Et pendant ce temps, entre son colocataire et son étudiant enamouré, Laura ne sait plus ce que devient sa vie. Tout ceci pourrait sembler foutraque mais c’est au contraire cohérent, tenu avec intelligence et des moments d’écriture très émouvants lorsqu’ils s’attardent sur les rapports humains.
« Le rire tonitruant d’Alex résonna dans la salle. Vincent avait toujours aimé l’entendre. Comme si l’ogre et l’enfant riaient dans la même gorge. »
A l’envie de comprendre quel projet d’importance mobilise les forces en présence, s’ajoute une dose d’optimisme qui fait du bien. Le roman offre des perspectives, ne se cantonne pas à un constat, à de la noirceur et des portes fermées. Nous rencontrons des personnages réunis autour d’un objectif, des hommes et des femmes pris d’une envie d’agir et leur énergie est communicative.
« Le propre de l’horizon est qu’une fois qu’on l’a entrevu, on ne peut plus se départir de son image. Il peut s’éloigner par périodes, quelques décennies ou quelques siècles, mais c’est trop tard : des êtres humains l’ont aperçu, s’en font le récit à la nuit tombée, et savent ce que promet le chemin pour rejoindre cet horizon. »
Depuis un an, en comptant La transparence selon Irina (Benjamin Fogel), Protocole Gouvernante (Guillaume Lavenant) et Paradigma (Pia Petersen), il flotte une très nette envie de révolution dans la littérature policière. Plus que jamais, reflet des problématiques de son temps.
Une autre chronique de ce roman est à lire sur Playlist Society.
Caroline de Benedetti
Ava Fortel, L’apocalypse est notre chance, Rivages/Noir, 2019, 21 euros, 313 p.