« Un meurtre par balle serait, ils le savaient, la méthode la plus simple, mais ils n’avaient aucune préférence. Si ça avait été faisable, cela n’aurait rien changé pour eux d’utiliser une corde, une arme blanche ou du poison pour trucider Oncle Sylvester, du moment qu’Oncle Sylvester était trucidé. »
Barnaby, petit garçon orphelin rencontre Christie une petite fille avec qui il se lie d’amitié sur le bateau qui les emmène sur une île canadienne pour les vacances. Ce seront les deux seuls enfants à habiter l’île durant l’été et le monde des adultes s’en trouvera quelque peu chamboulé. Pas étonnant dès lors que les gosses pactisent avec Une-Oreille, le terrible cougar. Le regard astucieux et sérieux des gamins est à la fois onirique et touchant. Le parfum désuet de la fin des années cinquante (le livre est publié en 1963 en VO) ajouté au décor de l’île paradisiaque : tous les ingrédients fonctionnent. Chacune des familles, chacun des habitants de l’île a son histoire et la nature y est encore sauvage par endroits. Le terrain de jeu est posé, et tout pourrait aller pour le mieux si il n’y avait pas l’oncle Sylvester.
Le sujet de la violence faite aux enfants se mélange avec la découverte du monde et l’aventure propres à cet âge. Les sujets et les scènes sont abordés et décrits sans aucune mièvrerie avec le style exigeant et précis de Rohan O’Grady. Sa singularité lui donne quelques lointains échos des romans noirs gothiques.
Parsemé de remarques acerbes et caustiques, le roman offre une plongée dans un petit monde insulaire où, malgré tout, il fait bon vivre. Il a tout pour devenir un classique.
Emeric Cloche
Rohan O’Grady, Et c’est comme ça qu’on a décidé de tuer mon oncle, traduit de l’anglais (Canada) par Morgane Saysana pour monsieur Toussaint Laventure, une collection des éditions monsieur Toussaint Louverture, 2019, 17,50 Euros.