Peut-on transformer un post-apo en aventure légère ? Les flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert prouve que oui. Bien après que les Républiques sont tombées, une hécatombe réduit l’humanité à peau de chagrin. Des clans survivent et s’affrontent, mais la Metareine les unifie depuis Rome assaillie par les eaux polluées.
Alors que je m’apprêtais à quitter les cabinets, je remarquai un petit graffiti derrière la cuvette. C’était du français. « Nous tisserons le linceul du vieux monde », disait le tag. Allons bon. Nous avions un justicier à bord, de toute évidence réduit à exprimer sa rage secrète dans des lieux d’aisances. Pour ce que j’y connaissais, ç’aurait pu être de Claude François. Je connaissais peut-être cinq ou six hommes de lettres de l’ancien temps, dont Elton John.
Pourtant, quelques résistants subsistent. Il faut bien, sinon il n’y aurait guère d’histoire. Sortie de force de sa caverne par les guerriers Etoilés, Alba est porteuse de la mémoire et du savoir de l’Humanité. Ce qui la rend intelligente, mais pas commode. Ismaël est en mission pour la Metareine lorsque Jonathan le capitaine du sous-marin Player Killer le capture. Et si tout ce petit monde tendait l’air de rien vers un même objectif ?
-Vous allez trouver ça dément, capichef ! Mais du temps des Républiques, on avait déjà imaginé plein de trucs. C’est comme si on savait exactement ce qui allait se produire et qu’on avait renoncé à l’éviter. On appelait carrément ça des récits d’anticipation. Ça me la coupe.
C’était au cours de ses pillages que Jonathan avait découvert la science-fiction. Il y avait puisé l’essence de sa fantaisie et une bonne partie de ses convictions politiques.
Le récit fait découvrir la micro-société du sous-marin, au son des soirées disco, en même temps que l’univers plus rude qu’Alba rejoint à Rome. Marguerite Imbert imagine une intrigue atypique et réjouissante, dont il vaut mieux savoir le moins possible pour en garder le plaisir. Lisez-la. C’est malin et intelligent, ludique et politique. Grand Prix de l’Imaginaire 2023.
Caroline de Benedetti
Marguerite Imbert, Les flibustiers de la mer chimique, Albin Michel imaginaire, 2022, 22,90 €