« Presque rien. Comme une piqûre d’insecte qui vous semble d’abord très légère. Du moins c’est ce que vous vous dites à voix basse pour vous rassurer. Le téléphone avait sonné vers quatre heures de l’après-midi chez Jean Daragane, dans la chambre qu’il appelait “le bureau”. Il s’était assoupi sur le canapé du fond, à l’abri du soleil. Et ces sonneries qu’il n’avait plus l’habitude d’entendre depuis longtemps ne s’interrompaient pas. »
Que ce soit à la recherche de qui, de pourquoi, ou de comment ? un polar est un livre dont le sujet est un crime ou un délit. C’est une enquête au sens large du terme.
La mélancolie – le passé – imprègne le roman de Modiano, alors même que Jean Daragane le principal protagoniste est quelque peu amnésique. Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier s’ouvre sur un coup de téléphone mystérieux qui rappelle les romans d’angoisse. Cette ouverture en suspens plonge directement le lecteur dans l’enquête à venir. Dès lors nous suivons les recherches d’un écrivain. Il y a une strip-teaseuse, une femme perdue, un homme louche et qui pourrait être menaçant, des joueurs, des changements d’identité, un fait divers… et la ville de Paris avec ses petits appartements, ses chambres… la campagne aussi.
Il suffit de quelques phrases à Modiano pour évoquer le passé et les sentiments de l’enfance, la solitude et la vieillesse. Le livre navigue entre trois regards différents : celui que l’on porte sur l’enfance (le souvenir), celui de l’âge adulte et celui de la vieillesse. Daragane essaie de se souvenir de son enfance mais à part dans quelques images et quelques sentiments, où mémoire et imagination se confondent, l’oubli prédomine.
Une fois le livre terminé il reste tout un pan de l »histoire à reconstruire et à imaginer, le lecteur pourra faire le boulot. Si l’enquête se trouve dans la recherche du passé et le combat contre l’oubli, on pourra se demander où est le crime ? Vraisemblablement, dans l’abandon et peut-être dans une inavouable histoire d’amour, ou alors dans l’imaginaire des souvenirs.
Emeric Cloche
Patrick Modiano, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Gallimard, 146 p., 16, 90 €