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Le pays du crépuscule de Marie Hermanson

Le pays du crépuscule de Marie Hermanson

Parfois, sachez-le, on veut nous faire croire à des choses qui n’existent pas, ou plus. Comme ici, dans Le pays du crépuscule de Marie Hermanson, où le passé s’est installé en lieu et place du présent. Et ce passé-là n’a même pas existé. C’est dire comme on nous ment.

Ceci dit, l’idée est plaisante, dès lors où les temps surannés offrent une nostalgie douce, où l’histoire est joliment réécrite. Parce que bon, ne nous leurrons pas, il faut cesser avec ce « C’était mieux avant ». On sait très bien que ce n’est pas vrai. On n’est pas idiots.

Les personnages du Pays du crépuscule se laissent porter dans l’époque lointaine d’une délicieuse vieille dame que certains qualifieraient de zinzin au premier abord (au second aussi, mais elle a des circonstances atténuantes). Sur de longues mais plaisantes pages, le lecteur aura l’impression de sentir le parfum d’un bois ciré, d’entendre le craquement d’un parquet et le tic-tac d’une horloge. La campagne est belle, personne dans les alentours, juste une nature luxuriante exempte de pesticides, raticides et autres plaies du 21e siècle.

Pour un peu, on oublierait que ce roman qualifié de thriller psychologique sur la quatrième de couverture est censé nous emporter dans les affres les plus sombres de la nature humaine. Mais soyons clairs, on n’est pas venus là pour enfiler des perles. Ni pour prendre le thé avec une vieille dame dans un jardin où s’ébattent des papillons. D’ailleurs, les autres personnages sont jeunes, avec pour certains cet état d’esprit de « winner » dans une société où l’argent, enfin surtout ne pas en avoir, est un défi à surmonter coûte que coûte.

Le côté obscur de l’histoire arrive enfin. On avait quand même senti des petites ficelles. Pas vraiment de grosse surprise. Pour un peu, on aurait préféré rester quelques pages plus tôt, pour une partie de pêche aux écrevisses ou un dîner mondain étayé d’excellents vins. Oui, le terme « thriller » semble un peu exagéré ici. En revanche, les 288 pages offrent une jolie parenthèse, une lecture fluide et une ambiance désuète, où on aimerait croire que « C’était mieux avant ».

Pascale Brosseau

Marie Hermanson, Le pays du crépuscule, Actes Sud 2020, traduit du suédois par Johanna Chatellard-Shapira, 288 p., 22 euros