Si l’on cite souvent Double assassinat dans la rue Morgue d’Edgar Allan Poe (1841) et les deux nouvelles qui suivirent (avec le même personnage récurrent, le Chevalier Dupin) comme textes fondateurs du genre policier, il y a eu des prémices ; des textes épars qui préparaient le terrain. Le duel, une novella d’Heinrich von Kleist, en fait partie.
Publié en 1811 Le duel (Der Zweikampf) ne met pas en scène de personnage d’enquêteur, mais le procédé de déduction est ici une part importante du récit, tout comme le crime, la tentative de comprendre ce qui s’est passé et la désignation d’un coupable. On y trouve par ailleurs d’autres thématiques récurrentes du genre policier : les rôles hommes /femmes et la façon dont la société les façonne. On y croise aussi quelques images érotiques, des poitrines à demi découvertes et des chevelures dénouées…
Le jugement de Dieu et l’enquête humaine semblent s’affronter. Il y a là deux camps : la religion (Dieu est bon, il fera triompher la justice) et la déduction (la tentative de comprendre ce qui s’est passé à l’aide de preuves et d’un enchaînement logique de faits). À la fin, une surprise attend le lecteur ; c’est là aussi une des caractéristiques du genre.
(Heinrich von Kleist est aussi l’auteur du roman qui inspira le film d’Arnaud des Pallièrres : Michael Kohlaas).
Emeric Cloche.