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Tin Star, le shérif et la vengeance

Tin Star, le shérif et la vengeance

 

Jim et sa famille ont quitté Londres pour s’installer dans une petite ville paisible du Canada. Sa grande route principale, sa rivière, ses montagnes enneigées, sa kermesse. Idyllique. Jim (Tim Roth) est le Chef de la police, sa femme se met à la cuisine, leur fille Anna rêve de retourner à Londres, et leur petit garçon de cinq ans… Vous verrez bien. Car tout va consister à comprendre pourquoi cette famille a choisi de quitter Londres.

Le premier épisode de la série étale les points forts : le décor majestueux, l’humour, Tim Roth qui joue très bien, et puis la surprise des dernières minutes. On se dit que c’est dur, oui, mais que ça va être quelque chose !

Las, au fil des épisodes et cela dès le deuxième, la série se met à tourner en rond dans le glauque et le noir. Le scénario est en vérité bien mince, long et banal. Tim Roth, plutôt subtil au démarrage, se transforme en lourdaud alcoolique, basique, tyrannisant les autres, sous prétexte de sa souffrance. Il cogne à tout va, et refoule une double personnalité, symbolisée par la dissociation dans le miroir…

Il faudrait parfois refaire le fil de l’histoire après avoir lu ou vu un polar dont la narration repose sur la dissimulation d’éléments que le récit dévoile, avec un maximum d’effets, à mesure qu’il avance. Reprendre ce fil, quand l’envie de savoir a été assouvie, quand le suspense ne fait plus son effet, permet souvent de se rendre compte des invraisemblances, ou du faible intérêt d’une histoire qui ne tient que grâce à un suspense artificiel. De nombreux polars sont construits sur cette base. Ce parcours à rebours peut-être fatal à l’intrigue d’un Conan Doyle ou d’un Agatha Christie, mais on pardonnera aisément à Watson ou Miss Marple d’avoir utilisé quelques facilités, leurs enquêtes ne se limitent pas à l’esbroufe.

(Attention à partir d’ici l’article révèle des aspects de la série)

Les scénaristes accumulent les fausses pistes pour maintenir l’attention, la tension. La psychologie des personnages est mince et fluctuante ; certains rôles ne sont là que pour servir le personnage de Tim Roth et ses actions. Tim Roth est alcoolique et violent, on devine que cela vient de son boulot de flic infiltré, on imagine quelque chose de terrible mais… rien que du banal. Les personnages sont faits pour évoluer au fil du temps, soit. Là, les évolutions sont abracadabrantes. Le jeune Whitey, super sniper-jamais sans mon gun – qui veut à tout prix sa vengeance, reste planqué à chialer derrière un arbre quand il voit son meilleur ami se faire tuer. Mieux : Jim/Jack le flic infiltré ne connaissait pas le visage du truand qu’il était chargé d’approcher… tout semble tordu pour rentrer dans l’intrigue sans trop se fatiguer.

Comme l’intrigue est mince, il faut la doubler d’une autre trame : l’implantation d’une usine pétrolière incarnée par un très vilain chef de la sécurité et son attachée de presse. L’usine est vite soupçonnée de camoufler sa nocivité et d’éliminer les gêneurs dans la communauté indienne. Tout ça prend 10 épisodes…

Tin Star, le shérif et la vengeance

La question de la morale

Le point de départ de la série est : un enfant de 5 ans se fait abattre par un tueur, la balle qui tue l’enfant était destinée au père. Un acte aussi terrible ne peut que provoquer la compassion du spectateur et le placer du côté des victimes. Donc du côté du père qui, pour surmonter la perte de son fils, va se venger et retrouver sa part de violence. Les dilemmes moraux des personnages ne décollent pas de la caricature : faut-il faire vengeance soi-même ? L’attachée de presse découvre avec horreur que la multinationale pour laquelle elle travaille n’a pas de morale, mais elle est bien décidé à changer les choses de l’intérieur (contrairement à son mari journaliste qui lui « ne fait que dénoncer et gagner des sous avec ses dénonciations »…)

Les quelques bonnes idées dans la réalisation (le clip publicitaire qui ouvre l’épisode numéro 2) restent rares. Ce qui aurait pu fonctionner n’est pas utilisé : la relation entre la fille du Chef et le jeune tueur (pleine d’ambiguïté), ou encore l’alliance des femmes (celle du shérif, l’attachée de presse, l’indienne).

La façon dont la série se termine pourrait compenser tous ces travers en offrant un retournement moral. Mais il est à craindre que le geste accompli par la fille de Jim ne se révèle pas fatal pour son père. Il l’est pour nous spectateur. L’envie de suivre la saison 2 ne se manifeste pas…

Caroline de Benedetti & Emeric Cloche