Mardi 22 janvier chez Coiffard, Hervé Le Corre venait parler de son dernier roman paru chez Rivages, Dans l’ombre du brasier. Situé en 1871, après la fin du fameux L’homme aux lèvres de saphir, il en est un prolongement plutôt qu’une suite. Seul le personnage d’Henri Pujol reste de ce précédent roman.
Hervé Le Corre commence en évoquant le poids de la recherche, assez lourd, notamment quand il s’agit d’une période peu connue comme la Commune, peu étudiée dans les classes. Il s’est plongé dans des livres d’Histoire et a aimé lire les points de vue des historiens, dont le travail n’est jamais neutre. Ils laissent transparaître un point de vue sur le travail du petit peuple, et la question politique soulevée par l’oeuvre et les prolongements de la Commune.
Pour ce roman, l’auteur a suivi un récit chronologique, les dix derniers jours de la Commune « dans le chaos de la guerre civile ». Le plus beau, pour lui, a été de se perdre dans les rues de Paris. « Ça a provoqué une espèce de rêverie. J’étais dedans. La carte plane prenait du relief, du volume. Je voyais des rues. C’était quelque chose de très enfantin. J’étais dans une demande de découverte et d’exploration. »
Après le travail de recherche vient le temps de l’écriture. Pour Hervé Le Corre le roman c’est « lancer les personnages dans l’action et oublier le poids de la documentation. » Les héros savent que l’histoire va mal finir mais ils continuent de se battre, même si c’est foutu. Ils veulent dépasser leur vie pour faire quelque chose de plus grand. Cet aspect, cette question politique intéressait l’auteur : « comment malgré les conditions difficiles, quand ça ne bouge pas, quand la force collective n’est pas là, on continue d’oeuvrer et de militer ? ». Bien sûr, un certain parallèle se fait avec l’actualité des dernières semaines en France.
« Je voulais raconter une histoire de guerre civile », continue Hervé Le Corre. Il évoque la questions des femmes pendant la Commune, leur rôle et le peu de choses qu’elles ont réussi à accomplir en si peu de temps. Ses recherches l’ont aussi amené à se pencher sur la question policière pendant la Commune, avec le personnage qui devient policier et y prend goût car il pratique le métier « comme un service public, ce qu’il devrait être. »
« de la fiction à tir tendu, comme les grenades lacrymo et les flashball, de la fiction haute densité. »
Quels sont les enseignements de la Commune ? l’interroge Coralie, la libraire. « Je crois que le modèle est un peu mort, et je le dis la mort dans l’âme. Ça a été un mythe. On peut considérer qu’on était près de l’aboutissement. La cité idéale était prête de se mettre en application. Et ce n’était pas le bordel ! Il y avait des élections, c’était loin d’être le chaos. Les rues de Paris n’ont jamais été aussi sûres. C’était festif, il y avait de la musique, la liberté. Tous les historiens le disent. Ce sont cinq à six semaines d’enthousiasme. » La discussion s’engage sur les suites, le mouvement ouvrier, Marx et les révolutions suivantes, Bakounine et l’héritage de la Commune.
Hervé Le Corre confie ensuite son admiration pour Vuillard, son coup de coeur pour le roman d’Ivy Pochoda Route 62 qu’il est en train de lire, la nécessité d’être humble dans son ambition d’auteur, sa préférence pour les pavés de la ville comme décor pour ses histoires, son attachement viscéral au roman noir : « de la fiction à tir tendu, comme les grenades lacrymo et les flashball, de la fiction haute densité. »