Jack Parlabane est de retour. Il a fallu attendre 9 ans, c’est dire le plaisir de revoir le nom de Brookmyre sur une couverture. Même si Christopher est raccourci en Chris.
7e enquête pour le journaliste Jack Parlabane, qu’on avait laissé face à un médium manipulateur (Les canards en plastique attaquent). Il n’est pas trop dépaysé, puisque cette nouvelle enquête le met face à un soupçon de machination. Il affronte une femme, et aussi son divorce. Sombre avec moi commence comme le roman d’un procès où l’on découvre une accusée et un crime. Puis il glisse en flashbacks en suivant trois points de vue : Diane dont le mari a disparu dans un accident de voiture, deux policiers qui enquêtent, et Jack au milieu de tout ça.
Les personnages se mettent en place, les personnalités se dévoilent : Diana, son mari Peter, sa soeur Lucy, leur famille richissime. Les lignes se brouillent, la vérité se cache. Le lecteur cherche. Les récits se croisent et cette structure habile montre que l’auteur, lui aussi, complote. Là est la petite déception : Brookmyre berne un peu son lecteur. Il joue de la narration au « je », mais impossible de trop en dire… Disons qu’il met volontairement sur une fausse piste, et tout le monde n’aime pas être manipulé. Il faut dire aussi qu’on aimait bien le titre original, Black Widow et qu’il traîne quelques coquilles regrettables.
« Le jugement de la société est toujours plus dur à l’égard d’une femme ayant commis des actes graves pour obtenir ce qu’ele veut : une femme qui a mis en question leurs valeurs, violé l’ordre établi. C’est un crime contre la société, une transgression de règles tacites, mais bien plus précieuses que celles inscrites dans la loi. »
Il y a dans cette histoire et son ambiance quelque chose de Basic Instinct croisé avec l’univers de William Bayer. Rien de tel qu’une romance pimentée pour accrocher le lecteur. Brookmyre dresse le portrait d’une femme ambitieuse, de sa solitude sentimentale et de son mariage mystérieux. Du polamour comme il faut ! Diana est ambigue à souhait, potentiellement aussi coupable que victime. Le roman a des tonalités féministes. Il évoque le regard porté sur les femmes à un poste de pouvoir, ici une chirurgienne et les représailles qu’elle a subies pour avoir dénoncé les pressions et humiliations sur un blog. On aurait aimé que cet aspect prime un peu plus sur la machination très tordue qui se dévoile au fil des pages. Mais Brookmyre et Parlabane sont de retour et le plaisir demeure. Croisons les doigts pour la suite !
Caroline de Benedetti
Chris Brookmyre, Sombre avec moi, Métailié, traduit de l’anglais (Écosse) par Céline Schwaller, 22€, 496 p.