Feu sur le royaume de Gilles Sebhan clôt une trilogie dans les pas du lieutenant Dapper, découvert dans Cirque Mort et La folie Tristan. Plus que de pas, il faudrait parler de mondes intérieurs.
Dapper a failli perdre son fils dans le premier tome, dans le deuxième il a libéré une femme séquestrée et violée. Dans Feu le royaume un tueur cruel s’évade de prison, pressé de se venger du flic qui l’y a collé. Cette partie policière suit une trame classique – irruption d’une menace extérieure – qui permet aux personnages d’agir et de réagir. Leurs mouvements sont les plus intéressants car ils mettent à nu chacun des protagonistes.
Le décor principal reste le centre psychiatrique pour enfants, vers lequel tout ramène, encore et toujours. Pour Dapper, il incarne un lieu de filiation dramatique, via son ex-directeur suicidé.
« Le psychiatre avait passé sa vie à se méfier de lui-même. Les anciens appelaient ça l’hybris, cette chose pouvait vous dévorer. A la fin, les dieux s’abattaient sur vous, vous vous creviez les yeux ou les Furies vous mettaient en pièces. »
Pour Théo, le fils de Dapper, le centre incarne le lien avec son ami le jeune pensionnaire Ilyas. Cet étrange adolescent possède une ultra-sensibilité aux faux-airs de talents divinatoires. Ceux qui l’approchent sont fascinés, déstabilisés. Mais, des enfants aux adultes, tous se débattent avec les obsessions et les traumatismes qui forment le coeur du sujet de l’auteur. Et s’il fallait abattre « la reproduction du modèle social » dont les effets agissent dès l’école ?
C’est ce que semble réclamer l’enfance symbolisée par la voix de Théo qui, face aux adultes perdus derrière le voile des apparences, réclame la vérité et la mise à nu. Pour que cesse enfin le monde des secrets. L’épreuve du feu passera par là. Il faut parfois qu’un royaume meure pour laisser la place à un autre…
Gilles Sebhan réussit une trilogie à l’ambiance et à la voix originales. Puisse-t-elle ouvrir la porte à d’autres royaumes.
Caroline de Benedetti
Gilles Sebhan, Feu le royaume, Rouergue Noir, 18 euros, 192 p.