Les lectures

Éteignez la lumière ! d’ Élise Fugler

Éteignez la lumière ! d' Élise Fugler

« Je n’ai jamais écrit de nouvelle, n’ayant de temps ni à perdre, ni à faire perdre […], c’est là selon moi, un genre périmé. »

André Breton avait tort : pas périmée du tout, la nouvelle est partout présente et le recueil de sombres histoires, imaginées par Élise Fugler le prouve : protéiforme, la nouvelle ne vous fera pas perdre du temps, disons plutôt qu’elle vous en fera gagner parce que « plus resserrée, plus condensée, [elle] jouit des bénéfices éternels de la contrainte : son effet est plus intense. (Baudelaire, in L’art Romantique et ce ne sont pas les nombreux cinéastes qui ont adapté les nouvelles de  Poe et Maupassant qui diront le contraire).

La gamme des effets est large. On trouve ici treize « récits brefs », de longueur variée (de 5 à 70 pages environ), le plus souvent à la première personne, masculine, féminine, voire enfantine : exercice de style le plus casse-gueule qui soit (n’est pas Ajar, qui veut, n’est ce pas Eric-Emmanuel Schmitt ?). La narratrice de Chair Fantôme est une petite fille que l’on placerait volontiers dans la famille littéraire de Scout, la narratrice de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur. Cette nouvelle-là, la plus longue, découpée en trois parties encadrées d’un prologue et d’un épilogue est dédiée… « à Médée » et elle est d’un réalisme tragique ! La plus poétique est celle dont la première partie est dédiée « à Maïakovski », et la deuxième « au Père Noël ». Le tout s’intitule Faire la mort, réjouissante histoire de psychopathes. Élise Fugler s’amuse. Elle nous avait déjà bien amusés avec son premier roman  Les frigos ont horreur du vide (quel titre!). La 13e et dernière nouvelle qui donne son titre au recueil : Eteignez la lumière ! est dédiée, elle, « aux amateurs du noir »… qui apprécieront certainement l’hommage loufoque à Godard dans Masque, cul, l’un et celui – pathétique – « à Personne… » dans La nef des sourds.

Il arrive que les 4e de couv’ disent la vérité. Celle de ce recueil invite à « une traversée des genres pour explorer toutes les couleurs du sombre. »

Jocelyne Hubert

Élise Fugler, Éteignez la lumière ! et autres sombres histoires, éditions Après la lune, 2020, 191 pages, 12 Euros.