Les éditions Matin Calme continuent leur exploration du polar coréen avec L’île des Chamanes de Kim Jay. Un roman d’enquête mâtiné de thriller qui, mine de rien, donne de nombreuses informations sur la société coréenne.
« Si on admet que l’on peut diviser les gens évolués en deux catégories, ceux qui ont une conscience et les bluffeurs professionnels, les premiers changent de mine quand ils mentent tandis que les autres ajustent bien dans leur tête le contexte invoqué et vous servent la chose l’air de rien dans un emballage cent pour cent naturel. »
L’île des Chamanes commence à Seoul, avec une enquête autour d’un meurtre et d’un site internet populaire chez les jeunes. Puis il bascule sur la disparition de trois femmes dans une île. De nombreux sujets sont abordés : l’anonymat, la puissance des réseaux sociaux dans la construction d’un individu et sa destruction, la réputation et l’identité numérique. Autre thème important, les différences entre la ville et la campagne. Seoul se compose de verre et d’acier ; sur l’île des Chamanes la nature apparaît en même temps que d’anciens bâtiments chargés d’histoire.
Le roman de Kim Jay se construit sur des affrontements, dont l’éternel tradition versus modernité, et reflète parfaitement un des principes du thriller : l’opposition entre l’antagoniste et le protagoniste. Bien sûr tout cela n’est pas si simple et les surprises seront au rendez-vous.
Les scènes d’action, parfois ponctuées d’onomatopées, et certaines scènes très appuyées visuellement (« Le vieil homme fond en sanglot et se laisse tomber les fesses par terre ») rappelleront les cases d’un manga.
L’île des Chamanes de Kim Jay est habilement construit. Tout en s’appuyant sur des poncifs du genre (disparition de femmes et profiler) le récit est dépaysant sans être exotique. Ce thriller figure en bonne place sur la liste de mes suspenses favoris de l’année 2021.
Emeric Cloche
Kim Jay, L’île aux Chamanes, traduit du coréen par Choe Ae-young et Jean Bellemin-Noël pour Matin Calme, février 2021.