Difficile de passer à côté de la référence au roman de H.G. Wells. Les expériences d’hybridation entre l’homme et l’animal imaginées par l’auteur ont influencé de nombreux artistes, de la littérature au cinéma. Mais il n’est pas utile d’avoir lu L’île du docteur Moreau pour se plonger dans La fille du docteur Moreau de Silvia Moreno-Garcia.
L’autrice mexicaine place le focus sur la fille du docteur Moreau, Carlota, jeune enfant née dans un ranch en pleine jungle dans le Yucatán. Les créatures hybrides auxquelles Moreau a donné vie accompagnent l’enfance de Carlota, ou servent d’ouvriers pour Lizalde, le mécène de Moreau. Le roman débute avec l’arrivée de l’anglais Montgomery, le nouvel intendant, dépressif, joueur et alcoolique.
Tout ce petit monde vit au milieu d’une hacienda faite de murs de pierre encombrés de végétation et de bassins. La description des lieux donne une immersion réussie.
L’histoire offre une réflexion sur la sauvagerie et l’altérité. Quel avenir pour ces êtres dont le statut d’ouvrier les rapproche de l’esclave, et dont l’aspect animal tient du monstre ? La réflexion porte aussi, de façon un peu soulignée, sur l’émancipation. Carlota grandit et remet en cause son destin de femme soumise. L’arrivée du fils Lizalde lui fait vivre ses premiers émois amoureux, et déclenche des bouleversements chez la jeune femme.
Aventure, étrangeté et romance sont donc au rendez-vous. Malheureusement l’amalgame prend mal. Chaque étape arrive de façon prévisible. La montée vers le drame ne laisse pas de place à la surprise et chaque personnage est bien à sa place. Dans sa lutte Carlotta n’emprunte jamais qu’un chemin bien balisé par l’autrice et l’émotion ne parvient pas vraiment à surgir. Il reste alors une belle ambiance pour se laisser porter par ce roman.
Caroline de Benedetti
Silvia Moreno-Garcia, La fille du docteur Moreau, Bragelonne, 2023, traduit de l’anglais par Leslie Damant-Jeandel, 375p., 22 €