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Timika de Nicolas Rouillé

Timika de Nicolas Rouillé

Les Papous. Les gentils papous. Les papous dans la tête… Mais connaissez-vous le sujet de l’élimination des papous par l’Indonésie ? Timika de Nicolas Rouillé met en scène une tranche d’Histoire qui classe ce roman parmi les excellents romans noirs. Les personnages incarnent la diversité de cette région, la situation politique et économique est finement décrite, les lieux baignent dans une ambiance de pluie, de wok et de désespoir. Le crime prend ses racines dans la lutte pour le contrôle des ressources.

Au cœur des enjeux : l’entreprise américaine Freeport. Elle exploite l’or et le cuivre de la Nouvelle-Guinée occidentale, annexée par l’Indonésie en 1963 (30 000 morts au moins). L’Etat militaire assure la protection de l’entreprise américaine. En 1977, la rébellion menée par Kelly Kwalik fera elle aussi plusieurs morts. Voilà les faits, vérifiables. Nicolas Rouillé n’est jamais manichéen quand il s’agit d’évoquer la question de la lutte armée. Où mène la violence ? Celles commises par les papous ne leur ont pas rendu leur terre. Leur population a été décimée, on peut dire qu’ils ont perdu. Freeport, pendant ce temps, affiche des bénéfices colossaux. On sait la valeur de l’or, et du cuivre, dont nos voitures électriques ont grand besoin (3 à 4 fois plus que pour une voiture essence).

À ces questions économiques, politiques, écologiques, l’auteur mêle l’humain. Il puise à cette source pour écrire une fiction. Timika repose sur une mosaïque de personnages. Ils s’appellent Pak Sustrino le cuisinier, Gilmore le journaliste australien, Alfons le militant, Bambang l’escroc. Toutes et tous survivent dans cette société violente aux paysages pollués par les déchets miniers. Grandeur et décadence se côtoient, comme lors des scènes inoubliables dans le cabaret où se produisent les waria, ces ladyboys dont fait partie Dewi. Western, donc, qui offre une plongée passionnante. Il permet de découvrir et comprendre des enjeux méconnus, dans un pays qui ne se résume pas à Bali.

Caroline de Benedetti

Nicolas Rouillé, Timika, Anacharsis, 2018, 496 p., 22 €