Dans une grande salle au sol couvert de magnifiques tapis de Boukhara d’âge vénérable et tendue de tapisseries aux motifs énigmatiques, quatre hommes étaient assis autour d’une table parsemée de documents.
Écrit en collaboration avec E. Hoffman Price et faisant suite aux récits antérieurs mettant en scène le personnage récurrent Randolph Carter (Le Témoignage de Randolph Carter, La clé d’argent, La quête onirique de Kadath l’Inconnue), la nouvelle À travers les portes de la clef d’argent possède une facture littéraire de genre policier. On pourra comparer le procédé narratif utilisé par Lovecraft – un groupe de personnes discutant autour d’une table – avec des classiques tels que La Panne de Friedrich Dürrenmat ou L’Affaire Saint Fiacre de Georges Simenon (où les protagonistes se retrouvent autour d’une table pour une histoire de meurtre et de testament). Sauf que dans la nouvelle de Lovecraft, il n’y a pas de cadavre !
Dès lors, doit-on procéder à l’ouverture du testament de Randolph Carter porté disparu depuis de nombreuses années ? Tout le monde n’est pas d’accord. Étienne Arthur de Marigny (l’hôte), Ward Phillips (occultiste érudit, ami et correspondant de Carter), Ernest B. Aspinwall (le cousin) et le bandit Chandraputra (forcément mystérieux) vont tenter de se mettre d’accord sur la marche à suivre. Ils vont surtout écouter le terrible récit de Chandraputra. L’histoire s’éloigne alors du matérialisme cher au polar pour plonger dans la métaphysique et les paradoxes temporels. Mais comme dans La vallée de la peur de Sherlock Holmes – qui est dans sa partie centrale un western -, le récit emprunte clairement à la forme policière avec une énigme à résoudre. Le début de la nouvelle expose le mystère, et le retournement final quoi que fantastique, s’inscrit dans la déduction (avec une preuve matérielle pour démontrer la véracité de ce qui a été raconté).
Emeric Cloche