On pourrait traduire Dogrun de Arthur Nersesian par « canisite », ce qui serait tout de suite moins vendeur. Quoiqu’il en soit, voilà un lieu où se croisent humains et chiens, et il représente un théâtre comme un autre. Mary le découvre quand son petit ami meurt soudain dans son canapé. Et qu’elle se retrouve avec son chien, qu’il faut bien promener…
Qui dit décès dit policiers et légiste. Ils débarquent dans l’appartement de Mary pour faire le constat. On imagine le début d’une enquête autour de la mort de Primo. C’est un peu ce qu’entreprend Mary en partant à la rencontre des proches de ce petit ami, artiste raté, dont elle ne savait finalement pas grand-chose. Il ne faut pas imaginer de drame ni de grandes révélations. Primo ne donne pas envie qu’on s’apitoie sur son sort. Et l’auteur use plus de l’humour que du mélo, pour notre grand plaisir.
De boulot précaire en bars et restaurants, Mary trace l’image du New York des années 2000. Une ville plus propre, plus présentable, où de jolis immeubles remplacent d’anciens lieux mythiques. Qu’il décrive la ville ou la personnalité de la jeune femme, l’auteur américain fait preuve de beaucoup de finesse. Comme dans le portrait des autres personnages, pauvres amours et new yorkais décalés. Réunis par la littérature et la musique.
Il n’a pas vraiment plu ce jour-là : le ciel gouttait, comme si le plafond de nuages gris avait un millier de petites fuites.
Mary, en cherchant à rendre hommage à Primo, évolue dans une vie qui stagnait. Alors qu’elle découvre le vrai visage de ses proches, l’auteur, lui, n’oublie pas sa trame. Sans grands effets, il boucle son histoire, celle qu’on avait presque oubliée en prenant plaisir à suivre les pérégrinations de Mary. Il faut dire que quelques scènes d’anthologie (évoquons juste une hilarante scène de léchage de pieds) nous ont distrait comme il faut. Quelque chose dans Dogrun évoque les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin, une chaleur humaine, une bande d’amis, un joyeux délire. On en redemande.
Rentrée littéraire 2024
Caroline de Benedetti
Arthur Nersesian, Dogrun, éditions La Croisée, traduit de l’anglais par Charles Bonnot, 272 p., 21,10 €