Hugues Pagan a imprimé sa marque sur le polar français des années 80 et 90, puis il s’est tourné vers l’écriture scénaristique. En 2017, il revient au roman. En 2022 il obtient le Prix Landerneau et le Grand Prix de Littérature Policière pour Le carré des indigents.
Hugues Pagan a été brièvement prof de philo et plus longtemps flic. Le dépeindre ainsi est presque devenu un cliché, lui dont l’écriture raconte les douleurs humaines sous le vernis d’enquêtes policières. « On pouvait être flic sans être (totalement abruti) », mais ex-policier et bon écrivain s’avère une qualité plus rare. Si son Profil perdu ne m’avait pas totalement convaincue, L’ombre portée joue en finesse. Il y a l’équipe autour du commissaire Schneider. Il y a toujours la musique, la littérature et monsieur Tom. Il y a des femmes dont le portrait joue la variété et l’émotion, et non la simple fonction sexuée.
« Schneider avait élu domicile du côté du malheur ». Et il vieillit. Lorsqu’il croise l’ancienne starlette de son lycée, il se souvient : « nous étions jeunes et larges d’épaules ». L’enquête s’articule autour de cette femme de la bonne société. Un couple de gourous, mi satanique mi new age, y exerce son emprise. Sont-ils liés à l’incendie d’un entrepôt ? L’urbanisation de la ville de province transforme les friches et jardins en parkings de centres commerciaux. La même artificialisation opère dans l’administration, où c’est « la technostructure qui se mettait en place ». Rien de réjouissant aux yeux de Schneider, qui trouve refuge dans sa maison au milieu des arbres. À l’image du commissaire Soneri de Valerio Varesi, il voit son monde changer. On retrouve chez les deux auteurs la forme d’une ville, le goût pour la nuit et les atmosphères météorologiques. La comparaison s’arrêtera là, l’ombre domine sur Schneider quand la lumière l’emporte chez Soneri.
L’ombre portée de Hugues Pagan est une enquête de flics, dans laquelle l’arrestation du coupable ne signe en rien une quelconque amélioration du monde. Du pur roman noir au temps des téléphones fixes et des répondeurs qui clignotent.
Caroline de Benedetti
Hugues Pagan, L’ombre portée, Rivages/Noir, 2025, 22 €, 452 p.