Entretien

Rencontre avec Guy Gavriel Kay

Mercredi 23 avril, Maison Grimaud. Le canadien Guy Gavriel Kay était à Nantes, invité par la librairie L’Atalante. Un auteur maison, donc, pour une rencontre interprétée par son traducteur Mikaël Cabon, et en présence de Julien Delval, l’illustrateur des couvertures de ses romans. Trio gagnant. Aux questions, le libraire-fan, Mathieu Betton.

Rencontre avec Guy Gavriel Kay à Nantes en présence de son traducteur
Guy Gavriel Kay et Mikaël Cabon

Guy Gabriel Kay commence à être publié en 1984 avec son roman L’arbre de l’été (en France en 1994). La critique le classe dans la fantasy historique, mais lui ne décide jamais d’écrire sur une période en particulier, et ne sait jamais ce que sera le livre suivant. « J’ai toujours résisté aux catégories rigides. Pour moi la question à laquelle les lecteurs veulent répondre, c’est de savoir si un livre est bon ou non, pas si c’est de la fantasy. Ce que le livre te fait ressentir, c’est une question plus intéressante. » Interrogé sur ses influences, il préfère ne pas citer d’auteur et insiste sur l’importance des expériences de sa vie, les amours, les décès, les gens rencontrés. « Si vous écrivez toujours la même chose à 60 ans qu’à 30, il y a quelque chose qui ne va pas, car vous n’êtes plus la même personne, la vie vous a changé, on évolue en tant qu’artiste et en tant que personne. Ça doit se sentir. »
Devant le public venu en nombre (la Maison Grimaud est comble, lectrices et lecteurs l’écoutent jusque sur le pas de la porte), le canadien a tout de suite fait part de sa gratitude et du plaisir d’être publié et lu. « Le lecteur veut que l’auteur continue de provoquer en lui ce qu’il lui a déjà fait. On a envie de retrouver ce qui nous a fait aimer un auteur ou une autrice. Mais l’auteur change. Ça met la pression sur le lecteur, qui doit s’intéresser à de nouvelles choses. Le mouvement de l’artiste peut ne pas être celui du lecteur. »

Guy Gabriel Kay se montre souriant, parfois taquin. Il prend les questions au sérieux et n’aime pas les réponses binaires. On sent que tout est soigneusement pensé chez lui. Par contre, en écriture il est moins organisé. « Graham Greene disait qu’il ne faisait pas de plan parce que s’il savait où va le livre, il s’ennuierait. Je suis assez proche de cette attitude. Mais c’est personnel. Certains amis font des plans. Pour moi, l’énergie qu’il y a le matin à ne pas savoir où je vais me garde motivé. »

Rencontre avec Guy Gavriel Kay

S’il ne nie pas qu’on puisse écrire pour le plaisir de divertir, on sent que chez Guy Gavriel Kay l’art est de la plus haute importance. « J’ai toujours été intéressé par la relation entre art et pouvoir, et pour explorer cette relation il me faut des personnages d’artistes dans le roman. L’artiste comme rebelle, l’artiste face au succès parce qu’il sait vendre son travail, pourquoi on crée… Pourquoi a-t-on envie de faire de l’art ? Ce genre de questions m’intéresse de plus en plus. »

Avant que Kay ne décide de renverser la discussion et d’interroger son traducteur, le libraire-fan pose deux questions malicieuses en demandant à l’auteur de faire des choix. Vous l’aurez compris, ce n’est pas son style. En réponse, Guy Gavriel Kay explique la conception de ses personnages, qu’il ne veut pas placer dans une catégorie. « J’essaie de rendre intenses vos émotions et vos pensées vis à vis des personnages. Je veux complexifier, pas simplifier. » Et si vous lui demandez ce qui prime à son avis, du hasard ou de la destinée, il restera fidèle à ce qu’on appelle ici des réponses de Normand. « Je ne pense pas en terme de chose plus importante qu’une autre. A des moments, nous n’avons pas le choix, face à certains forces. À d’autres, on peut faire des choix qui vont modifier le cours de nos vies, et avoir des conséquences. C’est un équilibre, la balance penche d’un côté ou de l’autre. »

Merci à Mathieu Betton, et à la librairie L’Atalante pour cette entrée en matière dans l’œuvre de Guy Gavriel Kay. L’auteur vient rarement en France, c’était une occasion précieuse.