L’étrange premier roman de Catriona Ward, La maison avant les bois, avait séduit de nombreux lecteurs, à raison. Mirror bay avait un caractère plus convenu, donc décevant. Qu’en est-il d’Un cri dans le désert ?
Catriona Ward est une autrice de l’étrange, aucun doute. L’étrange en tant que réalité différente, mais aussi l’étrange chez certains individus, et dans leurs relations sociales. Dans ce nouveau roman, Catriona Ward met en scène une famille américaine typique : la modeste maison, le quartier pavillonnaire et les fêtes entre voisins, le jardin bien entretenu, et le sentiment de sécurité.
« Lorsque j’affirme que je me sens en sécurité ici, ce que je veux dire, c’est que mes enfants sont en sécurité. Ces deux choses ne vont pas nécessairement de pair. Peut-être qu’à un moment donné, tout le monde doit choisir ou l’un ou l’autre. En ce qui me concerne, je trouve qu’il est préférable de faire partie d’une cellule familiale – « les Cussen » – que de rester au stade de l’individu. On se fait moins remarquer. »
Les dysfonctionnements apparaissent vite dans la famille Cussen. Le mari infidèle, Callie la fille aînée violente, la mère Rob au passé traumatisant. En introduisant des extraits du roman fantastique écrit par la mère, en livrant les pensées de Callie, et en insérant des flashbacks, Catriona Ward fait basculer l’histoire et emporte le lecteur.
La source de l’étrange se trouve dans le ranch où Rob a vécu son enfance. Dès lors, l’autrice questionne l’origine de la violence, la structure familiale et l’hérédité. L’horreur se déploie petit à petit (sauf si vous commettez l’erreur de lire la quatrième de couverture). Les personnages franchissent les limites. Catriona Ward retrouve son sens de la narration, l’art des non-dits et de la surprise. Du thriller malin comme on aime.
Caroline de Benedetti
Catriona Ward, Un cri dans le désert, Sonatine, 2025, traduit par Pierre Szczeciner, 23 €, 408 p.

