Sur le fleuve est un roman écrit à 4 mains par Léo Henry et Jacques Mucchielli. Ce livre captivant nous plonge directement au cœur des ténèbres, pourrait-on dire ; car la référence prestigieuse à Joseph Conrad vient très vite à l’esprit. Comme dans le roman de Conrad, Sur le fleuve offre une réflexion sur la relation entre l’homme et la nature, sur l’ignorance des colons et leur incapacité à saisir la subtilité d’un nouvel environnement. On peut aussi faire un parallèle avec The lost city of Z. A l’instar du film de James Gray, on ressent à travers le livre le pouvoir envoûtant de l’Amérique latine
Le conquistador Javier Ramirez, accompagné d’aventuriers, mène une expédition sur le fleuve Amazone. Le groupe est à la recherche de Manao, la mythique Cité d’Or. Le voyage ne fait que commencer, lorsque leur présence perturbe une cérémonie religieuse. Ramirez ordonne le massacre des indiens et la destruction du lieu sacré. Par cette acte stupide et barbare, ils s’attirent les foudres de Tyvra’i, l’esprit magique et protecteur de la forêt. Commence alors une excursion maudite où la folie et la mort guettent chacun.
Le livre est court (189 pages seulement) mais s’appuie sur une documentation solide et creusée. Au fur et à mesure de l’avancée des aventuriers dans la jungle, leur passé et leurs motivations se dévoilent. Les chapitres relatant l’aventure sont entrecoupés avec des passages plus poétiques de Tyvra’i, le gardien et protecteur de la forêt qui s’incarne dans un jaguar. Peu à peu, le fleuve et la jungle se referment sur l’expédition, laissant place à un huis-clos horrifique. Au fil du fleuve, le récit dévoile une mise en abyme des désirs et des obsessions des colonisateurs. Souvent aveuglés par leurs croyances, ils ne peuvent comprendre ce monde nouveau et sa puissante magie.
Pour finir, notons que Sur le fleuve est le premier roman publié en 2012 par les éditions Dystopia. Depuis dix ans Dystopia propose des romans, et recueils de nouvelles, en format numérique et papier. On peut les qualifier de Transfictions pour reprendre le terme de Francis Berthelot ; c’est-à-dire des œuvres souvent inclassables, à la croisée des genres. Ce sont des ouvrages d’une grande qualité, qu’il s’agisse des textes ou des illustrations, de beaux objets que l’on aime avoir dans sa bibliothèque.
Bravo à eux et longue vie !
Jean-Marie Garniel
Léo Henry et Jacques Mucchielli, Sur le fleuve, Editions Dyspopia workshop, couverture de Stéphane Perger, octobre 2013 pour la version papier, 10 euros.