Les premières sensations viennent de la chaleur. Le thermomètre a déraillé, l’Europe a chaud, elle brûle en ce mois d’août. C’est notre futur. Marika a élevé Solal dans ce monde. Alors que l’enfant a sept ans, elle décide de lui faire rencontre le père dont elle l’a séparé. Ainsi démarre Soleil de cendres d’Astrid Monet, beau roman de la rentrée littéraire.
« Elle s’était installée dans cette ville de province, en France, cette station balnéaire l’été, vide l’hiver. Elle y avait des racines, bien qu’elle aimât tant cette phrase de Bernard-Marie Koltès qui fait dire à une femme revenant d’Algérie pour s’installer chez elle en France : Je n’ai pas de racines, je ne suis pas une salade. »
Pourquoi Solal a grandi loin de son père resté à Berlin ? Pourquoi Marika est-elle partie avec son bébé de 6 mois sous le bras ? Soleil de cendres répond à ces questions et montre la relation de cette mère inquiète avec son fils attentionné. Marika veut préserver Solal de la sécheresse, de la misère, et des manifestants qui demandent justice pour le climat alors qu’il est trop tard. Il n’y a guère que les biographies de Marlène Dietrich pour la distraire de son fils.
Et ainsi dans Berlin au mois d’août, un semblant de famille se reforme brièvement. Le temps pour un père de jouer avec son fils, avant la catastrophe annoncée dès la première page. L’émotion des retrouvailles se transforme en angoisse de la perte et de la mort. Cette histoire aurait pu se transformer en roman catastrophe plein d’actes héroïques, de psychologie et de rebondissements, façon film d’action et fin du monde. Astrid Monet choisit la sobriété. Elle pose des petites scènes comme autant d’échappées dans la trame principale. Le monde du théâtre, une vieille berlinoise dans l’éternelle attente d’un mari englouti par le Mur, la brève vision d’un monde devenu fou, un avenir si semblable au nôtre.
Cormac McCarthy racontait La route suivie par un père et son fils, le roman de l’auteur américain vient vite à l’esprit. Mais Marika parcourt Berlin en ruines sans son fils, sa lumière lui a été arrachée. « Au milieu des ruines, Solal devient le fils d’un homme » dans une transformation douloureuse et poétique qui prend le lecteur aux tripes.
Astrid Monet offre une porte sur l’espoir pour qu’aucun soleil ne s’éteigne.
Caroline de Benedetti
Astrid Monet, Soleil de cendres, Agullo, 2020, 209 p., 19 euros