L’humour italien était jusqu’ici représenté dans le polar par les romans d’Andrea G. Pinketts (éditions Rivages), difficile de ne pas y songer en lisant la première aventure de Carlo Monterossi, riche oisif milanais. Ceci n’est pas une chanson d’amour se range aussi à côté des romans de Donald Westlake et Tim Dorsey.
Monterossi a vendu une idée banale à une émission de télé-réalité. Elle lui a apporté richesse et aversion pour cet univers artificiel. Sa vie se pimente quand un livreur tente de lui coller une balle. Elle finit dans la tête de Bob Dylan, au lieu de la sienne. C’est le début d’une enquête dans laquelle il peut compter sur l’aide de quelques amis, alors que du côté des tueurs, les rangs sont bien garnis.
En effet, il se tient là depuis toujours, depuis le temps où Affori était un village à part entière, et qu’autour il y avait des champs et les premiers hangars, qu’on ne voyait pas encore les hauts bâtiments, quand les gens disaient « je vais à Milan » comme s’ils partaient en voyage, quand les putes étaient italiennes.
Le premier roman d’Alessandro Robecchi pêche parfois de traits d’humour appuyés, et de personnages archétypaux. La jeune Nadia génie de l’informatique, par exemple, ne brille pas par son originalité. Mais l’alchimie opère. Le croisement foutraque entre tueurs gitans, tueurs néo-nazis et tueurs businessmen va à toute allure. L’auteur provoque avec justesse des émotions, en plus de l’humour. Il y a la beauté ou l’horreur d’une situation, la façon de faire découvrir Milan, d’utiliser les paroles de Bob Dylan comme un jalon dans la vie de Monterossi, d’être à la fois grave et léger jusqu’à un final digne d’un film d’action.
Elle porte un tshirt de Carlo, gris, manches longues, la culotte est à elle, les pieds nus aux ongles rouges, la tête qui dit mon dieu qu’est-ce que j’ai bien dormi, et un sourire qui annonce à tout le monde : à partir de maintenant il y aura toujours du soleil. Bon, un peu de pluie pour l’agriculture, mais uniquement à la campagne.
Ceci n’est pas une chanson d’amour marque l’arrivée d’un nouveau personnage récurrent à fort potentiel. L’auteur, ancré dans sa ville, avec une vision politique, vient étoffer les rangs d’un polar italien de qualité. Celui qu’on aime, à l’image des romans de Valerio Varesi.
Caroline de Benedetti
Alessandro Robecchi, Ceci n’est pas une chanson d’amour, traduit de l’italien par Paolo Bellomo, éditions de L’Aube, 424 p., 21,90 euros