Le « thriller » d’aujourd’hui n’est autre que le roman à Suspense d’hier. Boileau et Narcejac (cités par Yves Reuter dans son ouvrage sur Le roman policier aux éditions Armand Colin) disaient à son sujet « La perte de sens, c’est là que convergent le fantastique et le désespoir. » Cette phrase résume très bien ce qui arrive à Emma Stein, la protagoniste (et dans une moindre mesure à la lectrice ou au lecteur) du Colis.
L’auteur allemand Sebastian Fitzek est une star dans son pays. Son dernier ouvrage incarne parfaitement la définition du mot thriller : c’est une démonstration des points forts et des faiblesses de cette grande famille du roman policier.
La tension, un des éléments fondamentaux du genre, est constante durant la lecture. Le texte nous perd dans les possibilités et les rebondissements ; comme la protagoniste du livre – une psychiatre – on commence à perdre nos repères et à douter du monde qui nous entoure. L’angoisse et le suspense sont au rendez-vous. On tremble pour Emma Stein, on s’indigne de la perversité de l’antagoniste (le méchant) tout en s’interrogeant sur qui fait quoi et qui est qui. Les scènes d’action sont d’une efficacité redoutable.
Si l’on accepte de se laisser embarquer, si on lit le livre dans un temps court sans trop se poser de questions et sans chercher « la petite bête », la sauce prendra assurément. Sinon il se passera ce qui se passe quand on ne rentre pas dans ce genre de bouquin : on verra toutes les ficelles (chapitre court, fin de chapitre en crochet, rebondissements à outrance…). Chaque rebondissement et chaque effet de style (question en suspens, typographie en italique pour figurer les pensées du personnage, oxymoron, clichés…) seront autant de source d’agacement. Le thriller possède une mécanique à la fois bien huilée, précise et fragile, un grain de sable et tout s’effondre.
Celles et ceux qui ont accroché au Briseur d’âmes devraient tenter l’expérience, Le Colis est un bon thriller avec tous les ingrédients du genre. Si Sebastian Fitzek n’est pas Stephen King il trouve sa place entre le maître américain de l’épouvante et les rois du suspense comme Boileau et Narcejac.
Emeric Cloche.
Sebastian Fitzek, Le Colis, traduit de l’allemand par Céline Maurice, L’Archipel, 2019, 308 pages, 22 Euros.