Je ne sais pas ce que veut dire le titre original : « Sakari lernt, durch Wände zu gehen ». Mais Sakari traverse les nuages rend toute la poésie et l’ambiance du roman. Sakari, jeune homme perturbé, peint des tableaux et décore la chambre de son foyer à grands coups de bleu. Le ciel, la mer, les maisons, l’eau de la fontaine dans laquelle il vit une crise de schizophrénie. Tel est le monde de Sakari, traumatisé par la mort de sa jeune amie Emma, accrochée derrière lu sur la moto qu’il conduisait. Deux familles sont brisées, un policier traumatisé, et un autre déploie toute son empathie et sa compréhension pour réparer les vivants.
« – J’adore Columbo, dit Joentaa.
Il n’a pas dit cela à la légère. Ce Kimmo Joentaa ne ressemble pas à Columbo, mais en fait, David n’est pas surpris qu’il le connaisse. Et l’aime.
– Ça m’étonne que tu connaisses Columbo, dit Joentaa en souriant maintenant, c’est une série télévisée… assez vieille, je la regardais quand j’étais petit.
– Oui, oui, j’aime les vieilles séries et les vieux films. En général, moi je regarde ce que les autres… ratent. »
L’allemand Jan Costin Wagner continue d’explorer le deuil, la mort et la perte, dans ce 6e roman avec son héros qui n’en est pas un. Ici aucun meurtre, et pas de véritable enquête. C’est beau, parfois à pleurer, tant la douleur transpire des situations, et tant la bienveillance est perceptible chez Kimmo. Chaque chapitre décrit un personnage : Sakari par qui le drame arrive, Petri traumatisé, David le jeune frère, Sanna la fille de Kimmo, Stefan et Magnus les pères de famille dans le déni, Leena la mère perdue dans le souvenir de sa fille. Aucun jugement n’a sa place dans le regard du policier Kimmo Joentaa, un « raccomodeur de destinées » à l’image de Jules Maigret. Il perçoit la souffrance, se ressource à l’innocence des jeux de sa fille et ses amies, et redistribue ce qu’il peut d’équilibre face aux coups du sort.
Caroline de Benedetti
Jan Costin Wagner, Sakari traverse les nuages, Jacqueline Chambon, 2018, traduit de l’Allemand par Marie-Claude Auger, 22 €, 247 p.