La série Lovecraft Country, tirée du livre de Matt Ruff, créée par Misha Green et produite par Jordan Peele et J.J. Abrams est arrivée lundi matin sur OCS France. Un épisode 1 de haute voltige.
KILOMÈTRE « JIM CROW » : Unité de mesure propre aux automobilistes noirs, combinant la distance physique et divers épisodes de panique, de paranoïa, de colère et d’outrage. Sa nature variable empêche de calculer précisément la durée d’un trajet, et sa brutalité fait planer un risque permanent sur la santé physique et mentale du voyageur.
Guide du voyageur serein à l’usage des Noirs, édition été 1954.
Atticus, un ancien soldat revenu de la guerre de Corée, Letitia une journaliste et Oncle George le rédacteur du Guide du voyageur serein à l’usage des Noirs (indiquant dans quels endroits les personnes de couleur peuvent être en sécurité quand elles voyagent) prennent la route à la recherche du père d’Atticus. Seul indice : le comté d’Ardham, qui aurait des liens avec la famille. Ils devront à la fois affronter le racisme, la ségrégation des USA et les monstres tout droit sortis des pulps.
Prendre Lovecraft et le glisser au cœur d’une fiction qui parle de racisme est une excellente idée au vu de certains textes, de certaines thématiques et peurs récurrentes dont traite l’auteur. Le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie de Lovecraft transparaissent parfois dans ses courts romans, ses nouvelles ou ses lettres. Dans deux textes datant de 1912 il s’en prend aux Noirs et aux Italiens, et dans La Rue paru en 1920 il attaque les « étrangers » de manière générale. Dans le livre de Matt Ruff, Atticus affronte parfaitement la question quand il dit qu’il aime les histoires « mais parfois elles me poignardent en plein cœur ».
L’œuvre de Lovecraft est à la fois fantastique, poétique et séminale. Elle le dépasse depuis longtemps déjà, que ce soit dans le monde littéraire, dans la musique (de nombreux groupes de metal y font référence), dans le jeu de rôle et la bande dessinée. Lovecraft est devenu un nom, une référence souvent citée quand on parle d’horreur et d’épouvante. Notez au passage que le dessinateur et scénariste Richard Corben dans Ratgod retourne de manière magistrale le racisme et la xénophobie de Lovecraft. Le cinéma par contre a souvent du mal à adapter l’univers de l’écrivain de Providence.
Misha Green, qui a écrit la série Underground et a travaillé pour Sons of Anarchy et Heroes, développe aujourd’hui Lovecraft Country. Elle a déjà travaillé avec Jordan Peele (producteur) qui n’en est pas à son coup d’essai. Nous avions fortement apprécié ses films Get Out (voir Indic n°29) et Us. Voilà qui devrait nous régaler.
Dès le premier épisode les références fourmillent, Ray Bradbury côtoie Bram Stocker, Alexandre Dumas et les comics… Atticus et Oncle George aiment les histoires. Quant au récit, il se fait tour à tour road movie, pulp, fantastique, épouvante et horreur tout en abordant racisme et misogynie. Le tout se mélange avec un naturel qui pourrait être déconcertant si on n’y prenait garde. Mais nous sommes tout à l’histoire du tri qui se forme et tente de survivre dans les USA des années 1950.
Les effets spéciaux sont assez organiques, la musique sait se faire discrète, les décors, le scénario, la rythmique et le jeu d’acteur ne dépareillent pas. Lovecraft country, episode 1 place la barre assez haut avec un ton à la fois drôle, humaniste et terrifiant. Nous attendons avec impatience lundi prochain, le 24 Août… OCS n’étant pas friand de binge watching le rythme sera d’un épisode par semaine. Ce qui n’est pas plus mal, cela laisse le temps de réfléchir à ce que l’on vient de regarder.
Emeric Cloche
Lovecraft Country, série HBO développée par Misha Green en 10 épisodes d’après le roman de Matt Ruff. La série est produite par Jordan Peel et J.J. Abrams pour HBO.
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