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Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier

Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier

Comme Oscar Wilde, « quand les gens sont d’accord avec moi, j’ai toujours le sentiment que je dois me tromper ». Alors, forcément, quand la critique unanime couvre de louanges Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier, un prétendu thriller qui m’a davantage ennuyée qu’angoissée, je me dis que j’ai peut-être raison… Et davantage encore agacée par l’argument marketing du « Stephen King revisité par Claude Simon » repris en chœur par d’autres critiques y ajoutant tantôt du Truman Capote (De sang froid) pour l’aspect fait divers, tantôt du Dostoievski pour le côté polar philosophique (Crime et châtiment). Non, Crime et châtiment n’est pas un polar, pas plus que l’Éternel Mari n’est un vaudeville. Je vous accorde que peu importe l’étiquette, mais il est embêtant de la laisser traîner – avec son prix – sur le rôti que vous déposez sur la table pour réjouir vos convives.

De là, peut-être est venu l’ennui : pas de la taille du rôti – pardon, de la longueur du récit ! – Bleu de Prusse de Philip Kerr en fait quarante de plus et ne nous a posé aucun problème de digestion – ni de la longueur des phrases, mieux ponctuées que celles de Proust et donc facilement compréhensibles. Pas même de la banalité de l’intrigue : elle tient dans les quelques lignes de la 4e de couv’ qui en situe le cadre (« un bourg et quelques hameaux »), présente les personnages (« Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu’une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années »), et annonce la couleur de l’histoire : « On s’active, on se prépare pour l’anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Mais alors que la fête se profile, des inconnus rôdent autour du hameau. » Et voilà ! tous les éléments du huis clos, « recette miracle du suspense » sont réunis.

Disons que le miracle (pour nous) n’a pas eu lieu. On a trouvé que les méchants mettaient bien du temps à arriver, les personnages à s’habiller, les balles à atteindre leur cible, les mourants à mourir, la mousse au chocolat à atteindre le frigo… bref ! On n’a rien contre un certain mélange des genres, rien contre « l’irruption de la tragédie grecque dans le roman policier », mais n’est pas Faulkner qui veut, ni Agatha Christie. Question de style ! Laurent Mauvignier n’en manque pas, visiblement. Trop, visiblement : il privilégie l’idée littéraire au détriment de l’émotion qu’engendre l’œuvre littéraire, tous genres confondus.

Jocelyne Hubert

Laurent Mauvignier, Histoires de la nuit, Les éditions de Minuit, 2020, 635 p., 24 €