Tirosh, écrivain de seconde zone, est de retour dans la ville de son enfance. Nous le suivons dès son arrivée à l’aéroport, au travers de la surveillance rapprochée d’un service de sécurité bien spécial. Si le monde décrit semble familier, il faut savoir qu’ici Hitler a été assassiné en 1948, et que les juifs d’Europe ont trouvé refuge dans un pays : La Palestina… Uchronie et univers parallèles sont au rendez-vous. Aucune terre n’est promise de Lavie Tidhar explore un peu de géopolitique, pose des questions sur la littérature et pénètre dans les profondeurs de l’âme humaine.
« Ils étaient si jeunes, songea-t-il. À Londres ou à Berlin, ces gamins iraient à l’université, boiraient dans des bars, travailleraient pour se payer un tour du monde ou simplement se promèneraient, flirtant, tombant amoureux, jouant ou écoutant de la musique : ils ne seraient pas là en train de patrouiller, encombrés de leurs armes et plombés par le soleil d’Afrique, à l’affût de menaces invisibles. »
L’écriture de Lavie Thidar est à la fois contemplative, violente et mélancolique. Aucune terre n’est promise s’adresse à des lectrices et des lecteurs au long cours. Il vaut mieux avoir quelques livres dans sa besace avant de se lancer dans ce roman, qui éveillera de nombreux souvenirs de lecture et quelques émotions. C’est un beau fantastique, lent et profond, que vous pourrez ranger aux côtés de Roland C. Wagner avec Rêve de gloire, Michal Ajvaz avec L’autre ville ou tout proche de La Séparation de Christopher Priest ; pas trop loin de la série télévisée allemande Dark.
Emeric Cloche
Lavie Thidar, Aucune terre n’est promise, traduit de l’anglais par Julien Bétan pour Mu, un label des éditions Mnémos, 2021, 259 p., 21 Euros.