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Une évidence trompeuse de Craig Johnson

Une évidence trompeuse de Craig Johnson

Oyez, oyez, braves gens, Une évidence trompeuse de Craig Johnson marque le retour du shérif d’Absaroka, comté fictif du très réel état du Wyoming ! Et avec lui, l’ami fidèle, Henry Standing Bear , « chef de la société de guerriers des Dogs Soldiers, du clan des Bear », dit « Nation Cheyenne », ou plus simplement « l’Ours ».

Comme souvent, le shérif Longmire exerce ses talents d’enquêteur hors de sa juridiction et à titre privé : il accompagne son vieux copain l’Ours à Sturgis (Dakota du Sud) où se tient une réunion de motards, « le Sturgis Motorcycle Rally, qui attire près d’un million de passionnés chaque année » au mois d’aôut. Voilà qui nous change du brouillard et des tempêtes de neige des Hautes Plaines. Pas de pow wow au programme, ni d’expérience chamanique, mais des compétitions de motos – où s’illustre l’Ours – et de tir au plateau où Vic, l’adjointe de Longmire, fait une démonstration de ses talents exceptionnels.

Et LE chien ? Il est là, toujours amateur de jambon et de caresses derrière les oreilles. Toujours féroce à l’encontre des méchants, interchangeables d’une intrigue à l’autre et peu importe à vrai dire car l’intérêt est ailleurs. On se doute bien que Longmire et son équipe finiront par trouver qui a voulu tuer le jeune motard, Bodaway Torres et pourquoi.

« Qu’importe l’issue du chemin quand seul compte le chemin parcouru. » Et il s’en passe des choses étranges sur ce chemin : des véhicules dont vous n’avez pas idée – dont un monstre appelé le Pequod, comme le baleinier du capitaine Achab… des agents du FBI « sous couverture » – de biker, of course… des personnages vraiment rares, dont cette Lola Wojciechowski, mère de la victime et ex-petite amie de l’Ours. Membre semble-t-il d’un gang de motards, elle a pour garde du corps un géant surnommé Big Easy :

« -J’en déduis qu’il vient de La Nouvelle Orléans … (dixit Longmire)
-Non, il est juste grand et serviable. Il boirait l’eau de mon bain si je lui permettais.
Longmire finit par comprendre les réticences de l’Ours à répondre à la demande d’aide de Lola :
-Je commence à me dire que Lola est plutôt du genre à attacher les gens sur les voies de chemin de fer.
-Un des incovénients de l’Ouest américain de nos jours, c’est que tous les méchants n’ont pas des moustaches en guidon de vélo. »

Le plus étonnant est de croiser en route Sherlock Holmes sous la forme d’aphorismes énoncés par l’Ours qui a trouvé dans un livre emprunté à Longmire un esprit conforme au sien, ni déductif, ni intuitif, mais abductif… D’où le titre, qui fait référence au type de raisonnement qu’Arthur Conan Doyle prête à son personnage : « Il n’y a rien de plus trompeur qu’une évidence ». Arthur Conan Doyle, Le Mystère de la vallée de Boscombe (épigraphe initiale). On aime bien aussi : « Mon esprit ressemble à un moteur de courses : il se détraque quand il n’exécute pas les exploits pour lesquels il est construit. »

Jocelyne Hubert

Craig Johnson, Une évidence trompeuse, 2020, Gallmeister, traduit de l’américain par Sophie Aslanides, 402 p., 24,20 euros.