« Lupo avait besoin de croquer les histoires comme il croquait toute chose, parce que croquer un fruit, un morceau de viande, une motte de terre, était le seul moyen d’en connaître la saveur… » Si vous ouvrez Un jour viendra de Giulia Caminito, un défilé de sensations vous attend.
C’est une sacrée histoire que le lecteur va croquer grâce à Lupo et son frère Nicola, le fragile « enfant mie de pain ». Ces deux-là sont fusionnels, pris entre le père boulanger colérique, la mère alitée, le frère tué pour une pomme volée, la soeur agonisante, et enfin celle placée au couvent là-bas sur la colline… Un lourd héritage, sur une terre aride.
L’Italie de ce début du 20e siècle n’est pas encore unifiée. La Patrie s’impose par la force aux gens de peu, ceux qui triment, dont Lupo le sauvage. Le jeune homme découvre Malatesta et l’anarchisme. Voilà de quoi enthousiasmer ceux qui s’interrogent quand « La Patrie grandit, la Patrie s’empare, possède, colonise, dérobe. » Mais « la semaine rouge » arrive, puis la Grande Guerre qui fait basculer la saga familiale dans la tragédie.
Il faut aussi compter avec le monastère de Serra de’ Conti. À sa tête, une abbesse noire en passe de devenir mythique. Là, les habitants de la région trouvent une aide précieuse et rare auprès de ces femmes retirées du monde. Leur histoire évoque un autre roman magnifique, Les simples de Yannick Grannec.
La grande Histoire, celle de la famille Ceresa, et celle des religieuses, s’entremêlent. Giulia Caminito donne chair au passé, aux racines familiales et au poids des secrets. Les esprits libres, partout, affrontent toujours ceux qui veulent les contraindre. Un jour viendra fait partie de ces romans poignants qui laissent des traces.
Caroline de Benedetti
Giulia Caminito, Un jour viendra, Gallmeister, 2021, traduit de l’italien par Laura Brignon, 22,60 euros, 288 p.