Plexiglas de Antoine Philias se passe dans la zone commerciale de Cholet, 53 000 habitants. Les petites villes ne manquent pas d’inspirer la littérature. Sinistrées, aseptisées, tristes, elles incarnent leur époque. Pas de glamour dans les caddies. C’est là qu’Elliot, 30 ans, revient s’installer dans la maison du grand père.
Sans projet ni ambition, Elliot zone au centre commercial Carrefour. Le lieu se transforme en théâtre avec ses héros, Lulu la caissière, William le vigile ou encore Fabrice le pharmacien. On y trouve le Balto, un bar casé entre le pressing et les toilettes. On y discute comme à tous les comptoirs du monde, en cette fin 2019 où le Covid approche. Les écrans et les smartphone vont remplacer les moments d’humanité partagée. Bientôt, c’est chacun chez soi. « Devenue plus célèbre que la couleur, la société condamnée en décembre pour harcèlement moral sur ses salariés manque terriblement. »
Alors on fait quoi de l’humain derrière un téléphone ? Une visio pour pallier au manque de contact ? Un apéro debout au comptoir pour ne pas se contaminer ? Elliot évolue dans ce monde post-gilets jaunes. Heureusement, l’étincelle surgit parfois. Les solitudes se télescopent, des amitiés improbables naissent. Elliot tombe sur Lulu. Elle vit le manque de son fils installé à Paris.
« On ne saisit l’ampleur d’un désert médical qu’en y étant parachuté sans gourde. » Antoine Philias manie l’ironie et amène de la légèreté à son histoire. Il en faut pour parler des perdants du capitalisme. Quand un monde veut imposer la distanciation sociale, rien de tel qu’un roman qui va au contact.
Caroline de Benedetti
Rentrée littéraire, sortie le 22 août 2022
Antoine Philias, Plexiglas, Asphalte, 2023, 240 p., 21 €