Cinq années se sont écoulées depuis son Empire des chimères. Bois-aux-Renards de Antoine Chainas était un roman attendu. L’auteur n’est pas de ceux qui occupent le terrain une fois par an. On le savoure d’autant que depuis Aime-moi Casanova, son style et son univers ont changé.
Antoine Chainas a d’abord occupé le terrain urbain, pour arriver en zone intermédiaire (Pur) et finalement en pleine nature. Encore plus que son prédécesseur, Bois-aux-Renards s’enfonce dans la forêt, loin des humains (comme le dit Pascal Dessaint). La petite Anna est une enfant à part, sans que soit vraiment dit de quel léger handicap elle souffre. Solitaire, abreuvée à la junk food et aux séries télés, elle vit de camping en camping avec une mère déséquilibrée. Un jour, la fuite s’impose et Anna s’égare vers la forêt. Mais elle n’est pas seule.
Le roman s’attarde sur l’enfant et un couple de tueurs. Perdus, chacun à leur manière, ils s’affrontent et affrontent la nature et sa communauté humaine. Le récit emporte comme savent le faire ceux dont l’écriture vous attrape sans qu’il se passe grand chose. La traque, haletante dans la plupart des thrillers, est ici pesante, lourde, terrible. Proie et chasseur ne resteront pas longtemps dans leur rôle, à l’approche de l’étrange hameau de Millepierres.
« S’arracher à la puissance des apparences, c’est ce que nous faisons depuis des centaines d’années dans ce bois »
Les films d’horreur tels The witch fournissent de nombreuses images de la forêt hostile. Pierre Pelot avec La forêt muette a lui aussi marqué ce genre d’histoire. Bois-aux-Renards abrite une communauté restée proche des traditions. À la modernité, elle préfère la loi des légendes. Le thème est classique et s’étire un peu dans la dernière partie du roman. Ce sera le seul regret face à ce livre fantastique, d’une voix tout à fait à part dans le roman noir français.
Caroline de Benedetti
Antoine Chainas, Bois-aux-Renards, Série Noire, 2023, 528 p., 21 €